Dans le village de Gorgo, province du Kouritenga, l’école des maris. C’est une initiative locale de développement communautaire qui sensibilise les hommes à devenir des époux modèles en accompagnant leurs femmes dans les centres de santé pour les consultations prénatales, postnatales, le dépistage du VIH etc.
8h30 à Gorgo, village à la sortie Sud de la ville de Koupéla. Une réunion se tient ce matin sous un grand arbre à côté de la plus grande rizière du village sur la route menant à Tenkodogo. Aujourd’hui, il est question d’agriculture. Mais à côté, une dizaine d’hommes tous d’âges mûres, se distinguent par leurs chasubles verts sur lesquels sont marqués, « Ecole des Maris de Gorgo ».
C’est une sorte de brigade dont la mission est singulière. Il s’agit d’encourager les hommes mariés à accompagner leurs femmes dans les centres de santé pour les consultations, appliquer la planification familiale et la prévention de la transmission mère-enfant du VIH, témoigne Zounogo Bahadio/Dandé, membre de l’Association de développement communautaire (ADECOM). Sa structure est chargée de superviser les activités menées par ces écoles.
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Depuis qu’une équipe « L’école des maris » a mené une campagne de sensibilisation au sein du foyer Mamouna Oubda, l’harmonie s’est installée entre elle et son mari. Avant, elle effectuait ses consultations toute seule dans les centres de santé. Son mari ne trouvait pas d’intérêt à l’accompagner. Malgré son air timide, la jeune dame, un bébé au dos, tout sourire se réjouit désormais : « Depuis la mise en place de l’école des maris, il a changé. Mon mari m’accompagne maintenant et quand nous partons ensemble dans les centres de santé, cela plaît aux infirmiers qui prennent bien soin de nous », raconte Mamouna Oubda.
« L’école des maris » du village de Gorgo a été mise en place en 2015. Elle est considérée comme l’une des écoles les plus dynamiques. Bien plus qu’une école, c’est un cadre d’échanges et de partage d’expériences pour changer les mentalités. « Nous parcourons chaque concession pour conseiller les couples, notamment les hommes mariés afin qu’ils accompagnent leurs femmes enceintes dans les centres de santé, faire le dépistage du VIH/Sida », explique Karim Zougmoré, membre de l’école des maris modèles de Gorgo.
Encourager les dépistages
La mise en place d’une école des maris est simple. L’ADECOM contacte les leaders d’opinion et les chefs de village identifiés souvent par des agents de santé en fonction des besoins. Ensuite, une assemblée générale est organisée pour faire comprendre le projet. Puis les hommes, dans chaque quartier du village, jugés comme des modèles, sont sélectionnés pour intégrer « L’école des maris ».
« Ensuite, nous menons des séances de formation. Après cela, ils font le tour des concessions pour sensibiliser les hommes mariés avec des boites à image que nous leur offrons », explique Bahadio admirative de l’engagement de ces bénévoles. A leur tour, ces hommes modèles sillonnent les différents quartiers du village pour convaincre d’autres hommes sur l’importance d’accompagner leurs femmes dans les centres de santé.
Dans cette partie du Burkina Faso, du fait des préjugés, certains hommes refusent de franchir ce pas. « Quand il s’agit des dépistages, les femmes adhèrent facilement mais il faut que leurs maris les accompagnent pour que l’enfant qui va naître soit épargné au cas où l’un des parents est contaminé », poursuit Bahadio. Cette initiative a apporté des changements dans la communauté selon les initiateurs. « Nous avons des preuves parce qu’à chaque sortie, nous faisons une liste de présence des personnes touchées que nous envoyons dans les districts sanitaires. A leur tour, les infirmiers essaient de faire des croisements. Nous avons des confirmations que des hommes que nous avons sensibilisés fréquentent ces centres », assure Karim selon qui, « L’école des maris » met l’accent sur la proximité.
Augmentation de la fréquence des consultations sanitaires
L’engagement de chaque membre est volontaire et bénévole. « Nous avons adhéré à cette initiative parce que l’objectif est bon. C’est une initiative qui permet d’apporter la paix dans la communauté à travers les sensibilisations sur les questions de santé. Notre démarche dans ce sens est de contribuer à la promotion de la santé dans notre village », relève pour sa part Karim, membre de l’école des maris modèles.
Cette approche basée sur la proximité a changé la mentalité de beaucoup d’hommes dans le village de Gorgo. La quarantaine, Adama Kayo admet: il n’était pas un modèle : « Avant, il faut que je reconnaisse que je n’acceptais pas accompagner ma femme dans les centres de santé ». Mais depuis, il a changé : « Il y a près de cinq ans que j’ai commencé à accompagner ma femme dans les centres de santé. C’est très important. Une fois que tu arrives là-bas, on nous enseigne beaucoup de choses sur le bien-être familial».
Il arrive que certains hommes se montrent réfractaires. Dans ces genres de situation, « L’école des maris », a recours aux membres de l’ADECOM ou aux agents de santé. « Les agents de santé nous soutiennent beaucoup. Lorsque nous rencontrons des difficultés, nous faisons appel aux agents de santé qui viennent en appui pour sensibiliser les gens afin qu’ils comprennent l’importance d’accompagner leurs épouses dans les centres de santé et qu’ils puissent faire les tests de dépistage du VIH », soutient Karim.
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Au niveau du centre de santé, les indicateurs sur la fréquentation se sont améliorés selon Diassanou Dayamba, infirmier chef de poste du Centre de Santé et de Promotion Sociale (CSPS) de Ligdmanagma, dont relève Gorgo. Les fréquentations se sont accrues. « Surtout, au niveau de la planification parce qu’il était difficile d’avoir les femmes au sein des postes sanitaires mais avec la sensibilisation, nous avons senti une amélioration à ce niveau. […] On peut dire que cette année, aucune femme n’a accouché au sein de notre formation sanitaire avec un enfant séropositif ». Chaque année, les époux modèles bénéficient de dons, comme des moustiquaires imprégnées, des pagnes…
Dans le district sanitaire de Koupéla et Pouytenga, 16 écoles de maris modèles sont installées. Ces brigades sont confrontées à des difficultés. « La communication, les moyens de déplacements etc., c’est nous-mêmes qui déboursons», regrette Zougmoré. C’est d’ailleurs la préoccupation de Bahadio : le projet a pris fin avec les partenaires depuis six mois environ. Cela n’empêche pas la brigade de continuer à mener ses activités de sensibilisation. Compte tenu des activités, elle est à la recherche de partenaires.