Depuis une semaine maintenant, le carburant est devenu une denrée rare à Tenkodogo dans le Centre Est. Les réserves de la plupart des stations sont vides. Les quelques rares stations qui disposent toujours de carburant n’arrivent pas à satisfaire la demande. Certaines personnes parcourent des dizaines de kilomètres pour espérer trouver le précieux liquide. La pénurie touche également Koupéla et Zorgho dans une moindre mesure. La raison serait selon des acteurs du secteur, la fermeture du circuit de la fraude du carburant.
Tenkodogo. Vendredi 02 décembre 2022. 09h. Les passants se font rares sur la grande voie de la place de la Nation. Certains poussent leurs motos et d’autres se font traquer. A cause du manque de carburant, certaines stations sont totalement fermées. Dans celles toujours ouvertes et qui n’ont plus de réserve, les pompistes tentent de faire un geste de la main aux clients pour signifier qu’il n’y a pas de carburant. Après une tentative infructueuse dans une première station, nous arrivons dans une deuxième. Bien accueillis par le pompiste, nos espoirs d’alimenter notre réservoir sont vites réduits car il n’y a pas de carburant.
Seulement du gasoil dans sa station. Et la raison, d’après le pompiste: « ils ont fermé le marché noir donc le carburant qui est là n’arrive pas à satisfaire la demande ». Encore du chemin. Nous reprenons la grande voie. À gauche et à droite, nous observons attentivement à la recherche d’une station. À peine dix minutes, nous voici devant une station pleine de monde. Des véhicules, des motos garées, des bidons sur des engins, etc., chacun veut se servir. Il faut user de patience.
Une denrée rare
Kader Kaboré, revendeur de carburant en bouteille vient de parcourir sa 12e station, selon son propre dire. Couvert de poussière sur sa moto, muni d’un bidon de 25 litres, il est désespéré. Il y a du carburant mais on refuse de le lui vendre. « Il n’y a pas assez de carburant. Si nous allons ravitailler tout le monde, ça va vite finir. Donc même si vous avez une bouteille de 5 litres on ne vend pas ». Dans cette station, l’une des rares de ville qui a toujours du carburant, le rang est long.
Certains, seuls sur leurs motos et d’autres avec des bidons sont en pleine négociation. Rachid Balima vient de parcourir 15km sur sa moto de type Sanili. C’est un risque qu’il a pris malgré le peu de carburant qui aurait pu le lâcher en route. « C’est le seul moyen pour espérer avoir du carburant. Là où je suis depuis avant hier il n’y a pas de carburant et dans ça si tu as un malade que tu dois transporter à l’hôpital tu fais comment ? Je vais faire le plein et repartir » a-t-il dit
Panne sèche pour les fraudeurs
Selon des acteurs du secteur, la pénurie a une explication. Elle est liée à la coupure du circuit de la fraude avec les décisions du gouvernement dans le cadre de la lutte contre l’insécurité. Il s’agit notamment de l’interdiction de circulation certains engins. C’est la fraude qui approvisionnait illicitement les revendeurs de carburant, avouent certains.
Ces derniers sont désormais obligés de se tourner vers les stations pour se ravitailler. Ce qui explique parfois la pénurie selon Jacob, un responsable de station Total. « Avant ceux qui vendaient dans les bouteilles allaient se ravitailler dans les villages ou d’autres pays clandestinement, mais maintenant ce n’est plus possible. La seule solution c’est de passer par les stations et comme ils prennent beaucoup ça fait que ça ne suffit plus » dit-il.
À en croire le responsable de cette station, le carburant est devenu une denrée rare à Tenkodogo. Seuls les premiers venus sont servis. Ne pouvant plus satisfaire à toute la demande, il a décidé de doubler sa commande. « Nous avons commandé une citerne de 12 000 litres qui n’a même pas fait deux jours. Donc actuellement, nous attendons une livraison de 24 mille litres de carburant dans les jours à venir » a-t-il laissé entendre.
L’occasion fait le larron
La pénurie de carburant fait l’affaire de certains revendeurs qui multiplient le prix du litre de carburant. Installés aux abords des grandes voies ou des intersections, ils drainent autant de monde que les stations. Certains passants qui ne peuvent pas d’offrir le litre préfèrent pousser leur engins. Un homme, visiblement de la soixantaine sur sa Crypton lâche : « Moi, acheter le litre de carburant à 1500 F, jamais. Je préfère marcher mais Dieu va régler le compte à ces gens ». La théorie de l’offre et la demande. C’est la raison qui explique le coût élevé du carburant explique, Edouard, un revendeur.
« D’abord, nous on va acheter le carburant à la station pour 24 litres mais lorsque nous mettons dans les bouteilles, ça fait 24 litres. En plus vous voyez que c’est en manque donc il faut qu’on augmente un peu également », se défend-t-il. Dans les kiosques et restaurants, la pénurie de carburant s’invite dans les discussions.
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Dans un kiosque situé à quelques pas de la place de la Nation, des jeunes sont très remontés contre certains revendeurs. « Je viens de chercher du carburant en vain. Il y a un endroit où un revendeur vend le litre du carburant à 5000F. Comment on peut être si méchant entre nous » déplore un jeune homme. Depuis une semaine maintenant, les populations de Tenkodogo et environnants peinent à se ravitailler.
Ce lundi 05 décembre 2022, les stations qui ont encore du carburant ont été littéralement prises d’assaut par les habitants de Tenkodogo donnant lieu à de très longues files d’attente. Koupéla, ville située à une cinquantaine de kilomètres de Tenkodogo, et Zorgho, à 70 km de Tenkodogo, ressentent également la rupture de carburant.
Certaines stations de Tenkodogo annoncent leur ravitaillement dans les jours à venir. Peut-être une lueur d’espoir pour les citoyens en panne sèche.