A Koudougou, chaque secteur a son lieu de sacrifice. Dans cette ville de la région du Centre ouest du Burkina, les adeptes de la religion traditionnelle sont nombreux. Avec du cola, un coq, un mouton, une chèvre, ou un bœuf, des citoyens viennent quotidiennement demander la faveur des dieux. Les dépositaires et gardiens regrettent par contre que ces lieux sacrés ne soient pas pris en compte par les autorités.
Des peaux de mouton et de chèvre étalées sur le mur de la porte d’entrée. Un hangar couvert de tiges de mil et mystiquement décoré avec des queues d’animaux se dresse juste à l’entrée, à gauche de la cour. Face au hangar, une maison chambre salon construite en banco et des canaris alignés face au mur. Au fond, une vieille case secrète isolée et dont l’accès est interdit à toute personne étrangère. Nous sommes dans la cour du « Tengsoaba » chef de terre de Koudougou situé au quartier Dapoya.
Assis sous son hangar, le vieil homme peine à hausser la voix lorsqu’il parle. Il s’appuie sur un bâton pour marcher. Calme dans son boubou bleu, cheveux blancs, la bouche presque vide de dents, il est le garant de la religion traditionnelle à Koudougou. Un héritage qu’il tient de ses devanciers. « La religion est pratiquée depuis longtemps par nos ancêtres et a été transmise de génération en génération. Aujourd’hui, j’en suis le garant » raconte-t-il.
Plusieurs divinités adorées
Le chef de terre de Koudougou est fidèle à la religion de ses ancêtres. Puits, statuettes, montagnes, cailloux, ou encore les bois sacrés, etc. sont entre autres des objets ou des lieux censés abriter des divinités. «Nous partons vers eux pour demander la santé, la paix, la richesse, tout ce qui est bien » note le dépositaire. La communion avec ces divinités consiste à leur faire des sacrifices pour demander leur aide ou leur témoigner la reconnaissance ajoute le vieillard.
« Si vous venez solliciter quelque chose, vous choisissez parmi les divinités là où vous voulez aller et vous apportez soit de l’argent, du cola, un mouton, une chèvre, un poulet et vous demandez ce que vous voulez, cela se réalisera ». Même pendant les récoltes, les dieux sont remerciés avec des vivres pour avoir facilité le bon déroulement de la saison. « C’est une façon pour nous d’être reconnaissant. Nos dieux sont les premiers à consommer les récoltes avant tout le monde » a-t-il soutenu.
Un dieu toujours à l’écoute
Seydou côtoie le chef de terre depuis des décennies. Toujours présent à ses côtés lors des visites, il est également celui qui fait les sacrifices. À ses dires, la cour du chef ne désempli pas. Tout le monde y vient avec ses vœux. « Il y a des gens de Koudougou, des gens qui viennent de Ouaga, de tout le pays et aussi de la sous-région. Il y a même des artistes, des hommes politiques et pas des moindres qui viennent ici pour des sacrifices » a-t-il soutenu.
Alors qu’il nous raconte ces faits, un véhicule se gare devant la cour du « Tengsoaba ». Trois hommes, une dame et son bébé rentrent dans la cour avec un coq rouge. Ils ne sont pas à leur première venue. Mais ce jour-là, ils sont venus pour implorer aux dieux, la santé pour les enfants. « Nous venons ici fréquemment. A plusieurs reprises, nous sommes venus et nos vœux ont été exaucés. Aujourd’hui, nous sommes venus parce notre enfant est malade depuis longtemps, nous avons tout essayé en vain. Pour cela, nous sommes venus avec un poulet, du cola et une somme d’argent pour soumettre notre vœu aux ancêtres » dit Tambi Yameogo, le père de l’enfant malade.
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Seydou est très remonté contre les autorités régionales qui ne feraient rien pour contribuer à entretenir les lieux sacrés. « Depuis que nous sommes ici, aucune autorité régionale ne nous a rendu visite. Pourtant dans nos prières, nous demandons la paix pour le pays et autres. Nous leur demandons de nous aider à clôturer nos sites sacrés. Ce sont des sites visités par non seulement des Burkinabè mais aussi des étrangers » regrette-t-il.
Pour le cas de sacrifices annuels ou ceux faits à la demande des divinités, les adeptes des religions traditionnelle font recours à des particuliers pour supporter certaines charges. L’assistant du « Tengsoaba » estime que ce sont les autorités locales qui devraient s’en charger.
Des autorités se défendent
À la question de savoir si l’État ignore l’existence des chefs de terre, Ousseni Mien, directeur régional de la culture du centre ouest se veut claire. « Les questions liées à la tradition incombent aux collectivités territoriales. Cependant, nous sommes toujours disponibles si ces derniers viennent vers nous pour une quelconque sollicitation. Nous les accompagnerons tant que nous pouvons ». dit-il.
Dans la région du centre ouest, les sites sacrés répertoriés par le ministère de la culture sont au nombre de 169. Le but de cette identification selon M. Mien est d’inciter à la protection de ceux-ci. « C’est d’abord inciter les détenteurs de ces sites et les autorités locales à protéger les sites, les préserver et faire perpétuer la mémoire ».
Pendant ce temps, dans la cour du ‘’Tengsoaba’’ au quartier Dapoya, deux jeunes sacrifient une chèvre. Après immolation, ils disposent les morceaux de viande en tas. Après quelques incantations, Seydou le sacrificateur, transporte une partie de la viande et une calebasse vers la case secrète. Visiblement, c’est un sacrifice qui vient d’être fait.
Faïshal Ouédraogo