Homme-orchestre, Yéninpaguiba Yonli est un jeune qui ne passe pas inaperçu. Enthousiaste, dynamique, il a mis en place une unité de tissage de cotonnade à Fada dans l’Est du Burkina. Mais que de chemins parcourus pour cet ancien fraudeur, tombé plusieurs fois dans les embuscades des bandits armés, qui s’est exilé au Niger et qui fut champion national en art oratoire en slamant dans sa langue nationale, le gourmantché.
Drapé d’un boubou brodé Faso fani, pagne tissé à base de cotonnade, Yéninpaguiba Yonli tient une petite réunion, débout. C’est le rituel avec son équipe. Chaque matin, avant que les métiers à tisser ne commencent à fonctionner, une rencontre de cadrage de quelques minutes s’impose. Nous sommes à l’unité de tissage mise en place par le jeune trentenaire et située non loin de l’Ecole nationale des enseignants du primaire de Fada.
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Il y a encore quelques années, rien ne prédestinait Yéninpaguiba Yonli au métier de tissage. Natif de Partiaga dans la province de la Tapoa, région de l’Est, il est issu d’une grande famille. Les difficultés de la vie lui font abandonner l’école après l’obtention du Certification d’étude primaire.
Après avoir vendu quelques articles dans son Partiaga national, il se lance dans l’aventure pleine d’incertitude de la fraude. « Je partais au Bénin où j’achetais des motos. Je revenais revendre à Tansarga, à Diapaga et à Partiaga. Entre temps le commerce était florissant, j’engrangeais beaucoup de bénéfices », dit-il, avec un brin de nostalgie.
La vie sauve et l’exil
La vie d’un fraudeur est pleine de risque. Quand il n’est pas traqué par les services de douane, ce sont les bandits de grands chemins qui les guettent. Yéninpaguiba Yonli lui a eu à faire aux malfaiteurs qui écument les brousses. « Un jour, nous sommes tombés sur des braqueurs qui ont tout pris. Tout ce que nous avions sur nous a été retiré ». Un premier choc et le jeune homme se dit que cela peut arriver.
De ses économies, il se relance, mais est victime une deuxième fois. « Je n’en pouvais plus. J’ai simplement abandonné. J’étais vraiment découragé. Ça n’allait pas du tout. J’avais totalement perdu confiance en la vie », se souvient-il, douloureusement.
Réalisant qu’il risque de passer de vie à trépas, notre fraudeur décide de tout arrêter et de tenter l’exil au Niger voisin. « A Niamey, je faisais le marketing de réseau, en vendant les produit d’une marque étrangère », explique-t-il. Il regagne son pays en 2019 et s’établit dans la capitale de la région de l’Est, Fada.
Champion national en art oratoire
« J’écoute beaucoup la radio » nous apprend Yéninpaguiba. C’est sur les ondes d’une radio locale qu’il apprend qu’une compétition en art oratoire est organisée par l’Union nationale de l’audiovisuel libre du Faso (UNALFA) en partenariat avec Canal France international (CFI). Il postule. Après une formation de deux semaines, il passe haut les mains les phases régionales de l’Est en se classant premier.
Pour les phases nationales, il se rend à Ouaga pour affronter les candidats des autres régions. « C’était ma première fois d’aller à Ouaga », note Yéninpaguiba en éclatant de rires. Ses textes de slam en gourmanctché qui tournent autour des questions de civisme, d’éducation, de cohésion sociale et de sauvegarde des valeurs culturelles retiennent l’attention du public et du jury qui le déclare vainqueur national de la compétition en 2020. « Cette activité a changé ma vie », reconnaît-il, car en plus des prix reçus et de la visibilité, il est régulièrement sollicité pour des prestations.
Entre les prestations et les activités de son association pour le civisme et le vivre ensemble « U Tayiénu », il trouve du temps pour encadrer des apprenants, essentiellement des déplacées internes au métier du tissage.
Tiga Cheick Sawadogo