Le football féminin manque de soutien au Burkina. Cette réalité est encore plus criarde à l’intérieur du pays. A Manga dans la région du Centre-Sud, des jeunes filles vivent pourtant leur passion de footballeuses. Malgré les contraintes et autres pesanteurs socioculturelles, les pensionnaires de l’Association rêve de femme football club espèrent des lendemains meilleurs, surtout que certaines d’entre elles, sont appelées pour des tests en équipe nationale.
Un soir ordinaire sur le terrain du stade régional de Manga. Sur le gazon synthétique est état de délabrement avancé, les garçons sont en pleine séance d’entrainement. Aux appels incessants des joueurs demandant la balle se joignent ceux de l’entraineur qui donnent des instructions. Dans cette ambiance, dans la deuxième moitié du terrain, des jeunes filles sont en échauffement.
Des plots déposés çà et là servent de repères aux joueuses visiblement motivées. Un homme, dans une combinaison de tenue de sport, chaussé de baskets, donne de la voix. « Accélérer », « tout droit », « pas loin des plots ». C’est le coach des apprenantes de l’équipe de football féminine, dénommée Association rêve de femme football club, Abdoul Sanfo.
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Enseignant d’éducation physique et sportive, il est titulaire d’une licence 2 football. « J’ai décidé d’aller du côté des filles, parce que c’est prometteur, et je suis content quand je vois les filles en train de tourner autour du ballon. Ça enlève un mythe », dit-il, tout souriant.
Depuis 2018, il entraîne cette équipe, avec des fortunes diverses. « Même si ça fait 4 ans que nous existons, nous sommes toujours au stade embryonnaire. Souvent nous sommes obligés de tout reprendre à zéro. Deux, trois ans après, elles sont appelées à autre chose si fait qu’on est en perpétuel recommencement », regrette le coach.
Des lumières d’espoir
Parmi ses apprenantes, le coach Sanfo est particulièrement fier de Victorine Zongo. La jeune fille, élève en classe de 3e, a des progrès qui laissent présager un bel avenir. Des deux pieds ce soir-là, elle jongle aisément le ballon, sous les regards admiratifs de ses camarades. Il y a quelques mois, Victorine a été appelée à Ouagadougou pour un test en vue d’intégrer l’équipe nationale féminine. Elle vit pleinement sa passion. « J’aime le football, j’ai commencé à taper dans le ballon quand j’avais 5 ans. C’est ma passion. J’aimerai être une grande joueuse en équipe nationale et même à l’international », dit-elle timidement, mais avec conviction.
Victorine n’a pas été la première des joueuses de coach Sanfo à être appelée pour des tests en équipe nationale. Une autre a vécu la même expérience, mais a vu sa passion écourtée à cause de la maternité. C’est là, l’un des problèmes pour la stabilité de l’équipe. « Certaines sont déjà hors de Manga et s’expriment bien. La difficulté c’est la disponibilité des joueuses à long terme. On est chaque fois à l’apprentissage, nous ne sommes jamais passés ni à l’amélioration ni au perfectionnement. Ça fatigue…», soupire Abdoul Sanfo.
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Le directeur provincial des sports et des loisirs du Zoundwéogo, Moustapha Niangané regrette que des pesanteurs socio culturelles empêchent encore l’éclosion du football féminin malgré l’engouement des jeunes filles. « Techniquement, il y a un accompagnement puisque les filles ont un coach dévoué. Par contre, financièrement et matériellement, ce n’est pas évident. C’est le défaut du football féminin. Les gens ne s’y intéressent pas beaucoup. Les gens ont développé un mythe autour de cela. Voir une femme en train de jouer(…). L’autre problème aussi, les filles sont difficiles à maitriser à cause surtout de la maternité », explique le patron du sport provincial.
Il admet également que le manque d’infrastructures, de matériel (ballons, chaussures adaptées), de primes, sont autant de boulets aux pieds du football en général et particulièrement celui des femmes dans la province.
Pourtant, le directeur provincial reconnait que la participation des Etalons dames à la dernière coupe d’Afrique féminine au Maroc, a suscité beaucoup de vocation au sein de la gente féminine.
En attendant de lendemains meilleurs, Victorine Zongo et ses camardes s’adonnent à leur passion chaque soir sur le terrain.
Tiga Cheick Sawadogo