De Tongomayel dans la région du Sahel à Kaïbo dans le centre-sud du Burkina. Un long périple pour des déplacés internes. Des familles entières ont été accueillies dans cette bourgade située à une vingtaine de km de Manga. Là, ils ont trouvé des villageois accueillants qui leur ont donné des terres pour s’installer au lieu de les vendre aux promoteurs immobiliers.
Un village dans un autre. Kaïbo-centre grouille de monde en ce jour de marché. De part et d’autre de la nouvelle route bitumée, des boutiques, des étals et restaurants de fortune. Un centre commercial à ciel ouvert. Au nord du patelin, c’est plutôt le calme.
Des concessions construites en terre battue. A la pompe d’eau, des jeunes filles s’approvisionnent, pendant que certains garçons confectionnent des briques en terre. Nous sommes dans ce qu’il convient d’appeler le quartier des déplacés internes à Kaïbo.
« C’est en juin 2019 que nous sommes venus. Nous étions entre 70 et 80 personnes à venir en même temps. Et actuellement, nous sommes plus de 700 déplacés installés ici », explique Karim Ouédraogo, après avoir retracé les différentes péripéties de leur longue traversée de Tongomayel à Kaïbo. Celui qui fait office de chef des déplacés et ses camarades ne tarissent pas d’éloges à l’endroit de la générosité des habitants de Kaïbo, qui disent-ils, les ont agréablement surpris.
Préserver la dignité
Essentiellement agriculteurs et éleveurs, les déplacés de Kaïbo ont presque tout perdu dans leur fuite des exactions des groupes armés. Après avoir été installés à leur arrivée à l’école primaire de Kaïbo, ils ont été relogés sur ce site de 12 ha grâce à la générosité du chef et des habitants.
« Cet espace où nous sommes arrêtés appartient aux propriétaires terriens. Ils voulaient donner leur espace aux sociétés immobilières mais on n’a pas accepté. Nous pensons que donner ces espaces aux personnes déplacées est bien mieux que de vendre aux sociétés immobilières. Le chef du village est contre la vente des terrains », explique le frère du chef, Rasmané Compaoré.
Ce dernier a alors rencontré les propriétaires terriens pour leur demander de surseoir à leur projet de vente de terre. « Il a dit à tout le monde que les personnes qui fuient leur localité venir ici sont nos étrangers et que nous tous nous sommes des potentiels étrangers car ce qui leur arrive aujourd’hui peut nous arriver demain aussi », poursuit Rasmané Compaoré.
Une chaîne de solidarité
Au seuil de sa porte, Safiétou s’affaire pour le repas du soir. Cette mère de deux enfants a de l’émotion dans la voix quand elle évoque l’élan de solidarité qui s’est tissé autour d’elle et des autres femmes déplacées. « Vraiment nous sommes tombés sur des gens bien. A notre arrivée ici lorsque nous avons dormi à l’école, tôt le matin, les femmes de Kaïbo ont préparé pour venir nous donner. Elles nous ont plus tard donné des pagnes, du soumbala et bien d’autres choses pour la cuisine », reconnait Safiétou qui comme les autres, avouent avoir été surprise par l’élan de solidarité manifesté par des gens qu’ils ne connaissaient pas auparavant.
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« L’année de leur arrivée, les gens du village ont désherbé des terrains pour eux, certains ont même envoyé des machines pour labourer gratuitement pour eux. D’autres aussi les ont aidés à cultiver. La même année, les villageois ont collecté 100 sacs de vivres. Et cette action a été répétée plus tard», se réjouit pour sa part le chef de Kaïbo pour qui, la réputation de son village a été confirmée avec l’arrivée des déplacés.
Selon lui, sa bourgade a la particularité d’être accueillante, d’aimer les étrangers. C’est ce qui fait d’elle, se convainc-t-il, un grand centre d’échange où le commerce est florissant, attirant du monde de divers horizons.
Ecouter notre reportage: Cohésion sociale: le melting pot parfait de Kaïbo
Tiga Cheick Sawadogo