Passionnée de gros engins Evrad Ilboudo est conductrice de bus à la Société de transport en commun (SOTRACO). Une passion qu’elle vit depuis 3 ans. Chaque jour, elle quitte la commune de Tanghin Dassouri à plus de 30 km, pour rejoindre son service à Somgandé. De là, Evrad sillonne plusieurs artères de la capitale. A l’occasion de la journée internationale de la femme, Studio Yafa a embarqué au bord du bus ‘’4barré’’ pour vivre le quotidien d’une dame exceptionnelle.
Silence total et ciel encore assombrit. Il est 3h54 à Bagrin une localité située dans la commune de Tanghin-Dassouri, à l’ouest de la capitale. C’est là que réside Evrad Ilboudo, jeune conductrice de bus de la Société de transport en commun (SOTRACO).
Le silence qui enveloppe encore sa maisonnée est rompu quand nous toquons à la porte. Un chien à l’intérieur aboie avec insistance. De l’autre coté du portail on entend des pas et une voix. « Hey hey, passe ici » comme pour appeler le chien au calme.
Le portail s’ouvre. Bonnet sur la tête, lunette, cache nez, écharpe, blouson et basket aux pieds. Evrad Ilboudo se présente, déjà prête. « C’est vous j’attendais », nous lance-t-elle.
« C’est comme ça chaque matin ? », demandons-nous. « Comme aujourd’hui c’est un jour férié, je commence mon service à 7h au lieu de 5h30. Mais au regard de la distance Tanghin-Dassouri-Somgandé je préfère quitter la maison à 4h, là même en cas de panne j’ai encore une marge de manœuvre si non les autres jours, je sors avant 4h », explique-t-elle avant d’ajouter que la ponctualité est un des traits de son caractère.
Cap sur Somgandé
Après ce bref instant d’échange, cap sur Somgandé un quartier de la ville de Ouagadougou qui abrite le siège de la SOTRACO. C’est là qu’est stationné son bus. A vitesse moyenne Evrad compte bien arriver à temps et en bonne santé. « C’est justement pour éviter de faire l’excès de vitesse que je démarre tôt. Comme ça j’ai le temps d’arriver et me reposer un peu avant de prendre la route » indique-t-elle.
Près d’une heure de route après, Evrad est à son service. Elle nous présente ses collègues, 6 autres conducteurs. L’ambiance est bonne, empreinte de taquinerie à la sauce du 8 mars. « Vous êtes ici-là qui va préparer pour nous aujourd’hui », lance-t-elle pour chambrer ses collègues.
Passionnée de la conduite gros engins
Diplômée du Certificat d’étude primaire, Evrad arrête ses études en classe de 6e faute de moyens financiers. Elle suit une formation en couture, mais est vite rattrapée par sa passion : la conduite des engins lourds.
« Parfois dans mes rêves. Je me voyais conduire des dumpers ou Caterpillar », raconte-t-elle avec sourire. Elle finit par suivre une formation en conduite d’engins lourds avec une société minière de la place et postule avec succès à un recrutement de la SOTRACO en 2020.
En route…
Avant d’embarquer Evrad prend connaissance avec le numéro de son bus du jour qui est affiché sur un tableau, vérifie l’état de l’engin, chauffe le moteur, en attendant de récupérer sa dotation en ticket. Il faut dire qu’en plus de la conduite, elle fait office de mécanicienne. « On remet 300 tickets je dois vérifier s’il n’y a pas de manquant et qu’il n’y a pas d’erreur sur la série de ticket » , dit-elle.
C’est tout bon, alors direction Zagtouli, à la sortie ouest de la capitale. C’est de là-bas qu’elle commence sa ligne. A l’approche d’un arrêt de bus à Pissy une cliente accourt. Mais le bus estampillé « 4barré » de Evrad ne marque pas d’arrêt.
« C’est à Zagtouli que je commence le service. Mais en partant je n’ai pas le droit de prendre un client. Le départ pour le terminus se fait à vide » nous explique-t-elle. Une fois à destination, elle démarre avec une vingtaine de client qui attendait déjà. L’itinéraire est maintenant tout tracé Zagtouli-Mémorial Thomas Sankara. Aller-retour en 5 fois pour la journée.
Très souvent prise pour un homme
Style masculin, Evrad est souvent prise pour homme. Au deuxième tour, elle embarque des passagers. Parmi eux, Monsieur Ouedraogo, un vieil homme de la soixantaine. Il découvre pour la toute première fois une femme conductrice de bus. « C’est bien ça, c’est une femme battante. C’est ma première fois de voir une femme conduire un bus » avoue-t-il.
« Pourtant moi je vous connais papa » rétorque Evrad qui reconnait que parfois les gens ont du mal à l’identifier surtout quand elle est de service les matins. « Beaucoup pensent que je suis un homme. Surtout les matins avec le froid je suis un peu masquée du coup y a certains clients quand ils rentrent, ils me disent Monsieur croyant que je suis un homme ».
Sympathique et battante
Au volant de cet engin vert, elle ne manque pas de faire rire ses passagers. Dame Zongo, une passagère, apprécie bien le fait qu’elle soit taquine et joviale avec les clients. Un avis que partage Boniface Yaméogo machiniste lui aussi à la SOTRACO. « Elle est sans problème », précise-t-il.
Evrad elle d’ailleurs trouve à la fin de sa journée qu’il n’y a pas de différence entre l’homme et la femme dans ce métier. Et à l’occasion de la fête du 8 mars, elle invite ses sœurs à embrasser le métier de leur choix mais surtout de travailler à être indépendantes financièrement. C’est autour de 13h que la conductrice, la quarantaine, finit sa corvée du jour. Une fête du 8 mars toute studieuse pour elle.