Après 5 ans à la tête du Burkina Faso, c’est l’heure du bilan de la gestion du président Roch Kaboré. Dans son camp, ses partisans brandissent un bilan « largement honorable ». Ils mettent en avant, les avancées démocratiques, les réalisations aux plans économique et sociale. Pour d’autres par contre, c’est l’échec. Sous son magistère, le pays a connu l’une des graves crises de son existence, avec les attaques terroristes qui ont occasionné des milliers de morts et plus d’un millions de déplacés internes.
Quand il est investi président du Faso le 29 novembre 2015, Roch Kaboré évoque de façon sibylline la menace sécuritaire aux portes du pays qu’il devrait diriger les 5 prochaines années. Il en est déjà conscient. Les bruits de canons se font de plus en plus pressants dans les pays frontaliers, Mali et Niger. « La situation sécuritaire dans le monde en général et dans la sous-région ouest africaine en particulier est préoccupante en raison de l’ampleur des menaces et actions terroristes », déclarait-il, avant de relever la nécessité pour les pays voisins de mutualiser les moyens de défense, d’informations, « pour présenter un front unis contre ces fléaux qui menacent l’existence même de nos Etats ». Il ne pensait pas si bien dire.
Moins de deux mois après ces déclarations, le 15 janvier 2016, Ouagadougou la capitale est frappé en plein cœur par un attentat terroriste. 30 victimes. C’est une première. Le drame va se répéter le 13 aout 2017 avec l’attaque du Café Aziz Istanbul et le 2 mars 2018 avec le double attentat de l’Etat-major général des armées et de l’ambassade de France. Depuis, le reste du pays est plongé dans une spirale de violence alternant attaques terroristes et conflits communautaires. Le Burkina Faso n’est plus sûr. Des pans entiers du territoire sont sous contrôle des groupes armés. Plus d’un million de déplacés internes sont enregistrés dans le pays.
Selon les chiffres de Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA), en octobre 2020, ce sont 2512 écoles qui sont fermées à cause du terrorisme, privant près de 40000 enfants d’éducation. « C’est une situation inédite pour nous. Elle est nouvelle. Donc il était tout à fait normal que dans un premier temps, après la période de stupeur, nous nous concentrons pour nous organiser de manière à apporter des réponses conséquentes à ce phénomène », reconnait le président Roch Kaboré dans un récent entretien accordé à RFI et à France 24.
« 5 années de lutte acerbe »
Premier vice-président du parti au pouvoir, Clément Pendgwendé Sawadogo, reconnait: « Ce fut 5 années de lutte acerbe. Tant l’adversité était à un niveau intolérable. A peine vous avez pris le pouvoir que ça tire un peu partout sur le territoire. Des terroristes qui vous défient, qui tuent. Il faut y faire face. C’est un péril qu’on n’avait jamais connu dans notre histoire (…) c’est arrivé de manière brutale et rapide à la faveur du changement politique ». Il se fait amer et pointe un doigt accusateur sur les amis de l’ancien régime qui seraient dans une logique de vengeance. Ce fut la ligne de défense de ces 5 dernières années. « Ceux qui nous ont attaqués trouvaient aussi leur palais doré à Ouagadougou. Qu’ils se vengent pour le fait que des amis ne sont plus là, ne doit pas être un facteur pour acculer le président Roch et son gouvernement ».
Pour Simon Pierre Douamba, analyste, chargé du suivi évaluation au Centre pour la gouvernance démocratique, il faut assumer le mandat dans tous ses aspects. « Les burkinabè ont mis leur destin entre les mains d’un homme qui a juré de protéger ce pays, mais au constat on voit que c’est un pays qui n’est plus contrôlé dans ses frontières, où beaucoup d’écoles sont fermées, où il y a plus d’un millions de déplacés », déplore-t-il. Au demeurant, il estime que si des avancées enregistrées au cours de ces 5 dernières années sont à mettre à l’actif de l’équipe dirigeante, « l’échec sur la question sécuritaire lui est également imputable ».
Un bilan discordant
L’opposition politique n’hésite pas à épingler le pouvoir pour sa mauvaise gestion, la gabegie, le marasme économique, la corruption. « C’est vraiment dommage de constater que le MPP, son gouvernement et Roch Marc Christian Kaboré ont échoué lamentablement », assène Eddie Komboïgo, président de l’ancien parti au pouvoir CDP et candidat à l’élection présidentielle de novembre 2020. L’analyste Sinon Pierre Douamba du CGD lui, regrette la recrudescence des actes de corruption ces 5 dernières années. « C’est vrai qu’on a n’a pas assisté à des jugements, mais on a enregistré presque chaque jour des détournements de milliards. Nous sommes restés sur notre faim ». Le cas le plus emblématique est l’inculpation de l’ancien ministre en charge de la défense, jean Claude Bouda, inculpé pour faux et usage de faux, blanchiment de capitaux, enrichissement illicite et délit d’apparence, et placé sous mandat de dépôt.
Mais le président Roch Kaboré lui voit les choses autrement. Il juge son bilan positif : « Depuis 2015 à nos jours nous avons avancé sur un certain nombre de domaine qui sont importants. Sur le plan de la démocratie, sur la base du pacte national du renouveau de la justice, nous sommes engagés dans un travail qui permet d‘avoir une justice indépendante. Sur le plan des libertés, l’encrage démocratique est une réalité. Sur le plan des infrastructures toutes confondues que ce soit sanitaire, infrastructurel, en matière d’électricité, des réalisations ont été faites aujourd’hui. Je défis sur le plan des statistiques, de regarder en 4, 5 ans ce que nous avons fait par rapport à ce qui a pu se faire sur les années précédentes avant nous », a défendu le président sur RFI et France 24.
Clément Pengdwendé Sawadogo porte-parole du candidat Roch kaboré pour l’élection présidentielle de novembre prochain se réjoui également du bilan du mandat. « Notre pays qui connaissait un taux de croissance économique de 3 à 4 % dans les dernières années de l’ancien régime, a pu retrouver rapidement dès 2016, une croissance de 6%. N’eut été la crise de la Covid-19, en 2020, on était dans les projections de 6 à 7 %. On peut reconnaitre sans griotisme, sans volonté d’autosatisfaction béate, avec objectivité, que le bilan du président Roch sous ces 5 années dernières a été un bilan largement honorable ».
4,53/10, la sanction du « présimètre »
Plus acerbe, Raogo Alban Zoungrana, président du groupe municipal UPC, principal parti d’opposition, peint un tableau moins reluisant de la gouvernance du président Roch Kaboré pour les 5 dernières années. « En tant que jeune j’aurai voulu rester dans un pays stable, en paix, en sécurité. En tant que jeune j’aurai voulu que l’emploi, les opportunités soient à la portée des jeunes burkinabè. Que la gouvernance puisse permettre aux jeunes burkinabè qui se lèvent le matin et qui n’arrivent pas à obtenir un concours ou un emploi dans le secteur public ou privé, puissent avoir des opportunités de créer une entreprise (…) Malheureusement ces opportunités n’existent pas dans la gouvernance MPP. Ce sont des tâtonnements que l’on voit au jour le jour, des manières de recoller quelques morceaux çà et là », fustige le jeune élu local. Il dit constater que la gestion du président sortant Roch Kaboré est une gouvernance en moins bien que celle du CDP décriée en 2014 et qui a conduit au départ du président Blaise Compaoré.
Le dernier sondage du « Présimètre » (Plateforme citoyenne qui passe les engagements pris par le président burkinabè au crible de la réalité des mesures mises en œuvre) qui a touché 2 506 burkinabè des villes et des campagnes et qui a été rendu public en juin 2020, a décerné la note de 4,53 sur 10 au président du Faso Roch Kaboré. Sur les 85 engagements du président sortant, il ressort que 29,4 % ont été réalisés, contre 70,6% en cours de réalisation.