Histoire d’une migration réussie. En quittant le Togo pour venir en aventure au Burkina Faso, Christine Komela rêvait d’une vie meilleure comme beaucoup d’autres de ses compatriotes. Dans son pays d’accueil, elle fait de petits boulots, économise et ouvre son restaurant à Kongoussi dans la région du Centre-Nord. Bien intégrée, Christine parle parfaitement le mooré et donne la chance à des jeunes filles déplacées internes d’avoir un petit boulot.
De loin, les rires de Christine Komela vous accueillent au restaurant l’Ambassadeur du Togo au secteur 5 de la ville de Kongoussi. Devant une maisonnette qui sert de restaurant, des chaises en plastiques permettent aux clients de prendre place. Deux jeunes filles aident à servir les clients tandis que Christine sert les plats commandés. Elle s’approche parfois d’un client, échange, pour s’enfuir dans un éclat de rire sur fond de propos à la fois provocateurs et taquins de certains clients. « C’est normal parce que moi-même, j’aime beaucoup m’amuser », dit-elle, la mine radieuse.
Pour fuir la précarité dans sa famille installée au Nord du Togo, Christine Komela décide de quitter ses parents pour l’aventure au Burkina Faso. A son arrivée, elle est accueillie par une compatriote. Elle travaille avec elle comme serveuse dans son restaurant. Mais l’expérience tourne court. « On ne s’entendait pas parce que le salaire ne tombait pas à tout moment. J’ai donc décidé de partir », raconte Christine.
La vie au maquis
D’origine Togolaise, cela fait deux ans que Christine Komela est installée à Kongoussi où elle gère un restaurant: « Ambassadeur du Togo ». Une manière pour elle de montrer son intégration dans cette ville. Le donkounou, le placali, le foutou, le tô, le riz sont des mets servis dans ce petit restaurant.
Pourtant, il y a moins d’un an, Christine était encore serveuse dans un maquis de la place comme beaucoup d’autres jeunes filles togolaises au Burkina Faso. Elle est payée à environ 45 mille francs CFA par mois. En plus d’un salaire bas, elle était rebutée par le comportement désagréable de la clientèle des maquis.
« Il faut avoir du courage pour travailler dans un maquis. Tu verras des enfants qui n’ont pas ton âge qui viendront t’insulter pour rien. Ce n’est pas du tout facile de travailler dans un maquis », dit-elle l’air vraiment marquée par cette expérience. Tant bien que mal, la jeune immigrée réussit quand même à réaliser des économies pour s’ouvrir son restaurant. « Quand je travaillais, j’économisais parce que j’avais à l’idée d’ouvrir un restaurant », explique-t-elle.
500 mille francs CFA en économie, elle décide enfin d’ouvrir son restaurant. Un réfrigérateur, des chaises, des tables, des ustensiles de cuisine achetés, il ne lui restait que le local. « J’ai approché un de mes anciens manageurs au maquis, c’est lui qui m’a aidé à trouver le local », se souvient-elle. Celui-ci lui trouve un espace loué à 45 mille francs CFA le mois. D’ailleurs, avant d’accorder l’interview, elle prend conseil auprès de ce dernier qu’elle considère comme son mentor.
Une personne sympathique
Le succès est rapide. Elle est aidée par sa maitrise parfaite du mooré, l’une des principales langues parlées à Kongoussi, mais aussi par son attitude joyeuse et le climat enjoué dans son restaurant. « Il y a des gens que je connais depuis longtemps ici qui refusent d’admettre que je suis togolaise parce que je parle bien le mooré », précise-t-elle. A Kongoussi, elle dit se sentir comme chez elle. Elle trouve la population accueillante, respectueuse, et à l’esprit très taquin. Ce qui correspond à sa personnalité.
Avec le succès du restaurant, Christine a du mal à gérer seule la clientèle. Elle décide alors d’embaucher des serveuses. Elle les choisit parmi des filles déplacées internes. « Moi aussi, c’est grâce à des gens que j’ai pu me réaliser. Peut-être qu’en travaillant avec moi, elles aussi pourront devenir quelqu’un un jour », espère-t-elle.
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Estelle Garba est l’une des deux serveuses. Elle est rémunérée à mille francs CFA la journée. Une broutille à l’apparence mais une fortune pour cette jeune fille dont les parents ont dû fuir les exactions des groupes armés, abandonnant tous leurs biens. « En tout cas, le fait de travailler avec elle m’arrange beaucoup. On s’entend bien aussi comme vous le voyez », apprécie Estelle qui a arrêté ses études à cause de l’insécurité dans la zone.
Si certains préfèrent prendre le risque de traverser le désert et la mer pour rejoindre l’eldorado européen, Christine dit préférer rester au Burkina Faso où elle est en train d’oublier les mauvais souvenirs de la pauvreté. « Si je suis venue ici, c’est parce que ça n’allait pas chez ma famille que j’ai quittée. Grâce au Burkina, j’ai pu réaliser beaucoup de choses », avoue-t-elle toujours rieuse.
Le restaurant « L’ambassadeur du Togo » est aussi un endroit où elle et ses compatriotes se retrouvent parfois. Tout naturellement, les ambitions de Christine sont grandes. Elle veut agrandir le restaurant. Mais, l’un de ses plus grands souhaits, c’est d’obtenir la nationalité burkinabè.
Boukari Ouédraogo