Au Burkina, des activistes ont appelé à observer, le 18 avril 2023, un boycott des téléphonies mobiles. Pour ce faire, ils ont invité les utilisateurs de téléphones à les mettre en mode avion de 11h à 12h. Aussi, les consommateurs devraient s’abstenir d’achat de crédit et de data au cours de cette journée. Une manière de dénoncer le coût jugé élevé de la connexion internet et la qualité des services offerts.
Il est 11h à Ouagadougou, aux abords du palais de justice en plein milieu de la capitale. Le mode avion n’est pas de mise chez certains citoyens. Le téléphone collé à l’oreille, en pleine communication. Le nez plongé dans son appareil sur des applications comme Facebook et WhatsApp. Visiblement, l’appel au boycott n’est pas passé partout.
Un peu plus loin, vers le Commissariat central de Police, même constat : les gens utilisent leurs téléphones. Comme pour s’excuser, les parkeurs devant le siège de l’Union économique et monétaire ouest africaines (UEMOA) expliquent n’avoir pas eu l’information du boycott du 18 avril. Et même s’ils étaient au courant, il n’auraient rien fait. Pour l’un d’eux, la préoccupation est ailleurs. Il propose plutôt de lutter pour la baisse du prix des denrées alimentaires qui selon lui, ne sont presque plus à la portée des Burkinabè. A chacun ses priorités!
« (…) mettre la pression sur les téléphonies mobiles (…) »
A l’Université Joseph Ki-Zerbo, c’est l’heure de la pause. Certains étudiants devisent sous les arbres, pendant que d’autres révisent. Ici, l’appel au boycott semble être passé. Etudiant en année de licence en Mathématiques, Youssouf Traoré dit avoir suivi le mouvement à partir de 11h. « On a essayé de respecter ce qu’ils ont demandé. Je pense que c’est une bonne idée, parce que tout passe par la communication. S’ils peuvent revoir à la baisse, ça sera bien », dit-il.
Enseignant de français, Emmanuel Kabré, avait cours dans un collège de 10h à 12h. Il était au courant du boycott. Selon lui, « ce boycott est une bonne chose pour mettre la pression sur les téléphonies mobiles afin qu’elles revoient le coût des appels ». Le sociologue Yacouba Ouattara, qui dit avoir mis son téléphone en mode avion entre 11h et 12h, est du même avis : « Nous espérons que le coût des télécommunications baisse dans notre pays ».
Alain Traoré, plus connu sous le pseudonyme Alino Faso est l’un des initiateurs de ce mouvement de boycott. Suivi par près de 260 followers sur Facebook, il a dans un post, dénoncé le « coût très élevé de l’Internet au Burkina, la durée de validité des mégas rechargés par le consommateur, des coupures de montants sur les consommateurs pour des services qu’ils n’ont jamais demandés et qui leur est imposé et enfin de la mauvaise qualité de l’internet au Burkina ».
La politique commerciale des opérateurs décriée
Du côté de l’Association burkinabè des Consommateurs des Services de Communication électronique (ABCE), c’est avec intérêt que le mouvement est analysé. Selon le président Seydou Barro ce mouvement de boycott est la « résultante d’un mécontentement suite aux interpellations quotidiennes et vaines de leurs partenaires institutionnels que sont des opérateurs de téléphonie mobile. En effet, les opérateurs sont couramment interpellés par les consommateurs tant sur la qualité des services que la cherté des tarifs ainsi que les offres commerciales mensongères et les pratiques commerciales léonines mais il est rarement donné une réponse appropriée».
Mieux, Seydou Barro analyse cet appel au boycott comme une désapprobation de la politique commerciale des opérateurs et un désaveu de l’action de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) dont la mission est de promouvoir les activités de télécommunication et protéger les consommateurs.
Pour quel impact?
Les initiateurs du mouvement espèrent avoir gain de cause auprès des opérateurs de téléphonie. Mais en attendant, le premier responsable de l’Association burkinabè des Consommateurs des Services de Communication électronique croit savoir que les opérateurs vont subir des pertes. « La perte économique sera plus prononcée s’il y a un bras de fer que les opérateurs devraient éviter à tout prix. Les consommateurs devront alors faire aussi preuve de résilience en vue d’obliger les opérateurs à fléchir sinon c’est eux qui continueront de subir », soutient Seydou Barro.
En tout cas pour la structure de défense des droits des consommateurs, il ne faut pas permettre « aux opérateurs de continuer à nous appliquer des tarifs léonins qui nous paupérisent indéfiniment ».
Une joie mitigée
Gayéri dans la région de l’Est était coupé depuis cinq mois de tout réseau de communication. A cause de l’action des groupes armés, la province était isolée. C’est le 13 avril que le réseau téléphonique a été rétabli. « Le retour du réseau est un soulagement pour nous. Ça réduit les distances. On peut facilement avoir les nouvelles de nos parents à travers le pays et même le monde. A cause de la situation, les gens s’inquiétaient pour nous. Mais ça soulage tout le monde maintenant », se réjouit Lompo interrogé par notre correspondant.
Une joie de courte durée, puisqu’il dit être au courant du mouvement de boycott lancé depuis la capitale. Mieux, il partage l’idée. C’est également le cas de Tankoano qui dit avoir suivi le mot d’ordre de boycott : « A Gayéri, nous observons cette journée de boycott. Cette journée était tant attendue. Je dirai même qu’elle a tardé. Nous avons souhaité depuis très longtemps que les tarifs de tous les réseaux de téléphonie soient revus à la baisse », clame-t-il.
Avant le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire a aussi fait son « boycott citoyen » les 8, 9 et 10 avril, appelant à l’interruption des appels téléphoniques, des envois de SMS, de la navigation Internet et des transactions de « mobile money » entre 12 et 14 heures.
Boureima Dembélé