Réputée être une zone de grande production de haricot vert, jadis exporté, la région du Nord se passe progressivement de cette renommée. Des jeunes producteurs ont décidé de faire autrement que leurs pères. Ils produisent de la patate douce et d’autres spéculations dont ils jugent l’écoulement plus facile au plan local. Sur la plaine aménagée du Goinré à Ouahigouya, les habitudes agricoles ont changé.
Mahamadi Sawadogo arrose à l’aide d’un gros tuyau des planches de patate douce. Au secteur 14 de Ouahigouya, sur la plaine aménagée de Goinré, le jeune homme de 34 ans asperge de grosses quantité d’eau sur les feuilles luxuriantes du tubercule. Pendant ce temps, à coté, des femmes récoltent les fruits de cette plante rampante, arrivée à maturité. La maraichéculture est la principale activité de Mahamadi. « J’ai quitté ce lieu une seule fois, et c’était pour aller à Ouaga. A part ça, je suis ici. Le travail me convient, j’ai donc fait le choix de rester sur place », explique-t-il. En fonction des saisons de l’année, la spéculation cultivée change. Après la patate douce, Mahamadi et ses frères mettront sous terre de la pomme de terre, puis des oignons, de la tomate… « Pendant la saison pluvieuse, nous cultivons du riz », ajoute le trentenaire.
Maraicher depuis tout petit, Abdoulaye Porgo, note que les habitudes ont bien changé. Avant, c’était du haricot vert à perde de vue. « Nos pères faisaient du haricot vert qui était exporté jusqu’en Europe. Comme ça ne marchait pas, nous les enfants avons pensé produire d’autres spéculations », introduit le producteur. Il ajoute que la culture du haricot vert qui faisait la renommée du Burkina et de la région du Nord singulièrement, ne profitait pas aux producteurs. « On ne voyait rien dans la cul ture du haricot vert qu’on produisait énormément. Depuis tout petit, nous avons tous transporté les cartons de haricot vert sur nos têtes pour aller au magasin. Les gens venaient prendre avec des remorques pour amener à Ouagadougou avant que ça ne soit exporté dans les pays des blancs. Mais nous même, nous ne tirons aucun bénéfice. C’est comme si nous travaillions pour des gens. Ils venaient acheter ici moins cher, ils nous imposaient des prix », se remémore Abdoulaye Porgo, l’air dépité.
« Ils triaient et nous ramenaient le reste »
Mahamadi Ouédraogo, aussi garde un mauvais souvenir de la période de production du haricot vert en grande quantité. « On nous renvoyait des cartons de haricot vert parce que selon ce qu’ils disaient, ce n’était pas de qualité. Ils triaient et nous ramenaient le reste. Ca pourrissait dans les magasins. On pouvait amener 200 cartons et on nous ramène 100 cartons sous prétexte que ce n’est pas bon. C’était donc une perte, puisqu’il déduisait le prix de l’engrais des cartons même renvoyés. Nous n’étions pas éveillés à l’époque », note-t-il. Les jeunes producteurs ont ainsi décidé de produire ce que le marché local demande. Du haricot vert, certes, mais pas en quantité industrielle. Du chou, de la salade, de la tomate, de la patate et du riz en saison pluvieuse quand le périmètre est envahi par les eaux.
3 hectares, c’est la superficie qu’exploite Karim Sawadogo, 34 ans. « C’est vrai qu’avec la maraichéculture, on ne devient pas riche, mais on ne manque jamais de quoi se débrouiller aussi. Je m’occupe de ma famille d’environ 10 enfants. Avec ce que je gagne comme revenu, je ne demande pas de l’aide à quelqu’un», témoigne le jeune maraîcher, ressortissant de Kaya dans la région du centre nord. Les producteurs regrettent par contre le manque d’organisation des paysans. Ce qui, selon certains d’entre eux, ne leur permet pas de tirer profit à la hauteur des efforts fournis sur la plaine aménagée de Goinré.