Pour le commun des Burkinabè, Karfiguéla renvoi à l’image les majestueuses chutes d’eau. Ces cascades qui ont donné leur nom à toute une région. Le village situé à une dizaine de km de la commune de Banfora a une autre particularité : la culture du piment. Cet épice cultivé par des jeunes est prisé en Côte d’Ivoire, située à cinquante bornes de là. Produit à Karfiguéla au Burkina Faso pour pimenter des bouches en Côte d’Ivoire.
Aux pieds d’un palmier, Mohamed Tou, élève en classe de Terminale A, vient de garer son vélo. Le jeune homme de 21 ans, paré de sa tenue scolaire, s’affaire à arroser son jardin composé de plusieurs variétés dont du piment. La culture du piment est une manne à Karfiguéla. « Depuis mon enfance, j’ai vu mes parents le faire, même si le prix n’était pas élevé à l’époque. De nos jours quand on dit que quelqu’un a évolué, c’est que la personne s’est lancée dans le piment. Sans mentir, le piment, ça donne (…) », explique-t-il.
Depuis trois ans, Mohamed s’est mis à la culture du piment. Selon lui, l’épice est bien prisé en Côte d’Ivoire, si fait qu’il occupe une bonne place dans les champs du village. « Mes parents ne sont pas là, je vis avec ma petite sœur qui est aussi élève, je ne dois pas baisser les bras. C’est à base de cela qu’on arrive à survivre », poursuit le jeune producteur qui allie études et agriculture. « Pour faire le travail je me réfère à mon emploi du temps. Je vois les jours où je suis un peu libre pour venir travailler ici », poursuit le candidat au Bac 2021.
Abdoul Kader Tou, est aussi un nom qui compte dans la culture du piment à Karfiguéla. Face à des milliers d’hectares de canne à sucre de la Nouvelle société sucrière de la Comoé (SN SOCUCO) se dresse son champ verdoyant de piment. Il explique que la saison débute en octobre. Après quatre mois d’entretien, la récolte intervient en janvier. Il dit attendre environ 300 000 F CFA à chacune des trois récoltes de l’année qu’il aura à faire. « Les ivoiriens en demandent beaucoup. Je gagne plus dans la culture du piment. En Côte d’Ivoire aussi on cultive, mais ça ne pousse pas comme chez nous. Pour nous là c’est trop fort », note Abdoul.
Pour noter la particularité du piment cultivé à Karfiguéla et son succès du côté de la lagune Ebrié, il dit « Foroto A ka fari » (en dioula, le foroto (type de piment) est très fort). Le jeune producteur précise cependant que tout n’est pas rose dans la culture du piment. Il relève la complexité de son entretien, sans quoi, les efforts de plusieurs mois peuvent passer par pertes et profits. « Quand les gens passent voir, c’est beau, mais ce n’est pas facile », souligne-t-il.
« Nos parents cultivaient des aubergines surtout. Actuellement, le piment est beaucoup demandé en Côte d’Ivoire, voilà pourquoi nous nous sommes tournés vers le piment. C’est ce qui fait que tout le monde s’y met. On met donc l’accent sur ça. Sa valeur est plus grande », résume Christian Hébié, un autre producteur de piment, bien plus âgé. Les jeunes producteurs regrettent par contre la non-organisation du marché liée à la culture du piment. Du coup, ce sont les acheteurs ivoiriens qui fixent les prix d’achats des productions.