Contre les maux de ventre, la toux, pour la solidification des os ou la dentition de leurs nourrissons, des jeunes parents n’hésitent pas à se tourner vers la pédiatrie traditionnelle. Dans les marchés et yaars de la capitale burkinabè, des consultations et prescriptions se font sous des hangars.
Une poudre noire, des racines d’arbre d’une couleur rougeâtre, des feuilles mortes attachées avec une ficelle. Cette composition est destinée à la protection du bébé d’Odette Ouédraogo, 30 ans. Son bébé, âgé d’environ 5 mois au dos, elle écoute attentivement la prescription de la vendeuse Abibata Sawadogo à Nabi Yaar, en face du centre de santé Saint-Camille de Ouagadougou. Depuis une semaine, le nouveau-né souffre d’une diarrhée chronique. « Nous avons été en consultation au dispensaire. J’ai payé les produits mais il continue de faire la diarrhée. Il pleure beaucoup et nous ne dormons pas la nuit », explique la jeune mère visiblement tourmentée.
Après une petite séance de consultation qui a consisté à toucher le ventre du bébé, une solution semble être trouvée. « Il faudra bouillir l’ensemble des feuilles dans une marmite en terre pendant au moins 3h. Tu ajoutes et mélanges ensuite la poudre noire et tu purges l’enfant deux fois par jour. Tu lui donnes aussi à boire », recommande Abibata à sa cliente.
Odette a opté pour la pédiatrie traditionnelle dans l’espoir que son enfant recouvre la santé. C’est le cas de beaucoup d’autres jeunes mamans. Le rayon de la médecine traditionnelle au marché de Nabi Yaar ne désemplie pas. Près d’une dizaine de magasins sont tous occupés par des personnes du 3e âge. Ce sont, en effet, elles, qui consultent les bébés. « Moi je vends les médicaments et ma maman fait la consultation », explique Abibata. « Le regard et le touché peuvent suffire à détecter le mal dont souffrent les nouveau-nés » explique l’octogénaire Lizéta Kouanda. Les yeux, l’anus, la bouche, la dent, le ventre, la fontanelle, le nombril et même la peau sont des parties du corps scrutées pour détecter les maladies des enfants selon la praticienne de la médecine traditionnelle. A en croire Lizéta Kouanda et d’autres vieilles certaines maladies des enfants ne peuvent être traitées que par les feuilles et racines d’arbres.
Djénèba Kiékiéta, 32 ans, mère de trois enfants est également une fidèle de la pédiatrie traditionnelle. « Moi j’accouche juste à l’hôpital. Le reste, ce sont les feuilles et les racines qui soignent mes enfants et je ne regrette pas », affirme-t-elle. Elle justifie son choix par le coût très accessible de ces médicaments. « Si tu as trop dépensé, c’est 600 FCFA et la santé du bébé est assurée », se convainc-t-elle.
De la nécessité d’un encadrement
En Afrique, jusqu’à 80 % de la population a recours à la médecine traditionnelle, reconnait Michel Meukeu, pédiatre. Pour lui, des parents optent pour la pédiatrie traditionnelle pour deux raisons : l’accessibilité par rapport à certains médicaments essentiels et le coût élevé des médicaments essentiels.
La pédiatrie traditionnelle peut être recommandée si et seulement si elle est encadrée selon Michel Meukeu, car dit-il : « des risques existent surtout lorsque son utilisation ne respecte pas un certain nombre de mesures ». L’absence de réglementation ou la mauvaise utilisation de certains remèdes peut avoir des effets nuisibles, voire dangereux pour les populations, encore plus pour les bébés.
Toutefois, préconise-t-il : « Étant donné le peu de données scientifiques sur l’innocuité et l’efficacité de la médecine traditionnelle et de la médecine complémentaire et parallèle et pour d’autres raisons aussi, il est important pour les populations de se rendre dans les centres de santé en cas de maladie, en attendant que les pays rassemblent des faits normalisés sur ce type de soins et les intègrent dans leurs systèmes ».