A Nagréongo dans la région du plateau central au Burkina, des femmes déplacées internes ne se tournent pas les pouces. Elles vivent de la dextérité de leurs mains à travers la poterie. La localité qui grouille de monde grâce à la présence d’un guérisseur traditionnel, est également propice aux affaires pour ces femmes originaires de Barsalogho dans la province du Passoré.
Le jour se lève sur Nagréongo lorsque Habibou Bamogo et quatre autres femmes s’affairent déjà. Elles sont occupées à préparer le nécessaire qui servira à la fabrication de plusieurs objets : des pots, des jarres et bien d’autres ustensiles de cuisine en terre cuite.
La technique est visiblement bien maitrisée par les deux femmes. A l’argile extrait au marigot du village et mouillé la veille, elles rajoutent de l’argile cuite et des excréments d’ânes. Le tout préalablement pilé et tamisé. Le mélange de ces trois ingrédients est vigoureusement pétri.
Lire aussi: Femmes déplacées à Ouahigouya, la survie par la culture de contre-saison
Place maintenant au génie. Habibou veut fabriquer une petite jarre qu’elle va revendre entre 300 ou 500 franc CFA. D’une main souple et habille, à l’aide d’un petit marteau rétrécit vers le haut fait en terre cuite, elle modèle une portion de la matière douce et épaisse.
Le mélange de terre et d’eau, grandit sous notre regard hagard. Les contours se dessinent. De temps en temps, Habibou marque une pause pour corriger ou réajuster à l’aide d’un petit couteau. Parfois elle plonge sa main dans de l’eau pour corriger les fissures sur la forme, lisser l’instrument qui progressivement prend forme.
Une gamme variée d’articles
Pendant que Habibou s’active à donner ‘’naissance’’ à sa jarre, ses sœurs elles, dessinent progressivement les concours d’un foyer amélioré. « C’est nous aussi notre école comme cela. C’est un véritable savoir-faire, un exercice qui appelle à une bonne coordination entre les pieds, le bras et les mains. Par exemple ce que je suis en train de modeler si quelqu’un qui ne connait pas le travail essaie de le faire il va tout casser », explique Habibou, avec une fierté non dissimilée.
Si l’exercice semble automatique, voire simple pour ces femmes, elles n’oublient pas que c’est la douleur qu’elles ont été initiées par leurs parents. Ce savoir-faire dans la poterie, ces femmes l’ont appris dans la douleur avec leurs parents.
« Si tu essaies de monter un canari et que tu n’y arrives on gifle et tu pleures. Si tu n’arrives à suivre le processus pour la fabrication d’un canari on pouvait te frapper et te priver de nourriture malgré le fait que ce sont tes parents. Mais c’était pour que tu puisses un jour quand ils ne seront plus là, faire quelque chose de tes 10 doigts et pouvoir subvenir à tes besoins », se rappelle une autre dame qui avec le temps, dit comprendre la sévérité des parents à l’époque.
Une bouée de sauvetage
Pour ces déplacées internes qui ont tout laissé derrière elles dans la fuite, la poterie est une porte de sortie. La présence du guérisseur traditionnel Seydou Bikienga attire des milliers de personnes venues de divers horizons dans la commune. Les tisanes et autres produits prescrits par le guérisseur aux patients nécessitent le plus souvent des marmites en terre cuite pour la préparation.
Un marché potentiel pour Habibou et ses camarades pour écouler leurs produits et subvenir à leurs besoins et à ceux de leurs familles. Ces femmes à travers un doigté précis, des gestes immuables, perpétuent un savoir-faire artisanal devenu cher à la survie de nombreuses familles.