Le retour du service militaire obligatoire pour les jeunes était en débat cette semaine à Studio Yafa. Pour certains invités, ce n’est pas ce qui va raviver le patriotisme des jeunes burkinabè, contribuer à forger des hommes modèles. Pour d’autres par contre, le service militaire est une nécessité dans le contexte national pour façonner des citoyens qui participent pleinement au développement de leur pays.
Le service militaire obligatoire pour raviver la fibre patriotique et le civisme des jeunes. Les autorités burkinabè y croient et justifient par-là, le retour de la mesure 30 ans après sa suppression. Le jeune journaliste écrivain Atiana Serges Oulon ne cache pourtant pas son scepticisme. « Il ne faut pas faire de la fixation et croire que c’est le service militaire qui va nous sauver », défend-t-il sur le plateau. Pour convaincre ses vis-à-vis, il rappelle que les autorités actuelles ont toutes connu le service militaire obligatoire avant sa suppression. Mais, regrette l’invité, elles ne sont pas forcément des exemples de patriotisme.
Atiana Serge Oulon dit ne pas voir de relation de cause à effet entre le service militaire obligatoire et le patriotisme et le civisme. Pas besoin de passer dans une caserne pour être un patriote, faire preuve de conscience professionnelle, clame l’invité. Ces dernières années, l’Ecole nationale d’administration et de magistrature (ENAM) a inclus le stage militaire obligatoire dans ses curricula de formation. Innocent Kam chargé des stages à l’ENAM dit avoir remarqué un changement dans le comportement des apprenants.
Il l’affirme, mais précise attendre qu’une étude soit menée pour évaluer le comportement des fonctionnaires ayant séjourné dans les camps militaires. Le troisième invité lui ne semble pas avoir besoin d’études pour évaluer l’impact de la formation sur sa vie de fonctionnaire. Hamidou Ouédraogo qui a déjà validé son service militaire dit être ponctuel au service comme tous ceux qui ont suivi la formation avec lui. Ils cultivent les valeurs de solidarité, de cohésion sociale, résultats de leur passage au camp militaire. « Il n’a pas eu la chance de faire un tour là-bas » voilà pourquoi il parle ainsi, lance-t-il à l’endroit de Atiana Serge Oulon.
« Vous ne connaissez pas ma formation », rétorque son vis-à-vis, qui précise ne pas être contre le service militaire, mais refuse qu’on l’idéalise. Innocent Kam chargé des stages à l’ENAM reconnait et tempère. Ce n’est pas la potion magique pour le citoyen modèle. « A elle seule la formation ne va pas suffire, elle ne peut pas résoudre tous les problèmes du Burkina (…) on ne va pas vous éduquer, c’est une formation. Il ne faut pas perdre de vue ce sont des valeurs qu’on veut inculquer. C’est un plus aussi bien pour l’individu que pour la nation », explique-t-il.
Attention aux risques
Autre versant du sujet abordé par les invités de Ya’Débat : les risques de récupération. Les jeunes de 18 à 30 qui seront formés ne courent-ils pas le risque d’être enrôlés après par des groupes djihadistes, demande le modérateur Souleymane Koanda à ses invités. « C’est une possibilité que toute personne de bonne foi ne peut nier. L’autre risque, il faut tout faire pour que tous ceux qui sont formés soient employés, parce que l’oisiveté est mère de tous les vices », prévient le jeune journaliste. « Je suis d’accord avec lui. Il n’y a rien de parfait dans tout ce que nous faisons », consent Innocent Kam qui ajoute que le service militaire des pensionnaires de l’ENAM ne se limite pas au maniement des armes.
« Il y a d’autres notions comme le secourisme, l’hygiène, les orientations sur les terrains hostiles qu’on apprend aux élèves », explique-t-il. Aucun risque de récupération, clame pour sa part Hamidou Ouédraogo qui estime que même pour un chômeur, la formation militaire devrait plutôt doper son envie de se battre pour gagner dignement sa vie, plutôt que d’emprunter la voie de la facilité. Les internautes de la page Facebook de Studio Yafa n’étaient pas en marge du débat. « 3 mois de formation militaire ne peuvent pas corriger 15 ans de mauvaise éducation », prévient un internaute. « Mieux vaut tard que jamais », réplique un autre.
L’intégralité du débat a été diffusé ce samedi 20 février sur le réseau de nos radios partenaires.