Ils n’ont que leurs toiles et leurs pinceaux comme outils de combat. Des artistes plasticiens dont des jeunes, réunis en résidence à Ouagadougou peignent pour traduire leurs engagements dans la lutte contre la Covid-19. Une occasion pour eux de renaitre après une période de moue. Dresser les tableaux, raviver les pinceaux pour faire vivre la peinture qui souffre de la crise sécuritaire et de la pandémie.
Après la peur et la panique, c’est le moment de la résilience pour Boinzemwendé Jules Romaric Nana, 26 ans. Dans une cour logée dans les tréfonds du quartier Bilbalgo de Ouagadougou, le jeune peintre cogite, mélange différentes couleurs de peinture acrylique, avant de coucher le fruit de son imagination sur une toile dressée sur un chevalet. Pinceau en main, il est en pleine finition de son tableau qu’il a baptisé « alerte ». « Sur cette toile, j’essaie de me souvenir des moments forts du Coronavirus au Burkina. Le port du cache-nez était de mise partout, la peur avait gagné tout le monde. En même temps, c’était une nouvelle façon de vivre que le virus nous imposait», décrypte Jules Romaric qui depuis 9 ans, peint sa vision du monde.
Non loin du petit carré où Jules finalise son tableau débuté il y a quatre jours, une autre artiste fait parler son génie. Tipoko Diane, 29 ans, est armée de ses pinceaux qu’elle trempe de temps en temps dans de la peinture acrylique. Son jeans treillis est tacheté de diverses couleurs. Avec ses mains agiles, elle donne un dernier coup de pinceau à son œuvre. « J’ai matérialisé la main d’une femme qui protège son mari. Au lieu que ce soit le masque qui protège son mari, c’est elle qui le protège, mais elle est en retrait, comme d’ailleurs son rôle dans la société », explique celle qui est venue spécialement de Koudougou pour prendre part à la résidence de création.
C’est avec plaisir que Muindila Tshibangu, a retrouvé ses pinceaux qu’elle avait rangés. « Ça nous a manqué. C’était difficile de se regrouper entre temps, on a fait des choses en ligne. Mais se regrouper, c’est une autre motivation, une autre sensation de travail, c’est une autre créativité, on découvre on apprend, c’est un plus. Il y a de la chaleur, de la fraternité. Ça motive plus », précise la jeune passionnée. Il y a quelques années, elle avait quitté son emploi d’opératrice de saisie pour se consacrer à ce qu’elle dit aimer faire le plus : peindre. « Je me sens forte je me sens libre dans mon travail, ça me fait plaisir, ça me fait vivre », s’exclame-t-elle.
Ils sont une quarantaine d’artistes plasticiens burkinabè réunis en résidence de création, du 19 au 23 février 2021 au centre culturel Naanégo, à Ouagadougou. L’initiative est de l’Association pour la promotion des arts plastiques (APAP) pour apporter une réponse artistique à la Covid-19 à travers des productions d’œuvres d’artistes plasticiens. Selon la Présidente de l’APAP, Suzanne Songa, les artistes plasticiens ont vécu plusieurs chocs successifs ces derniers temps.
«Tous les artistes ont été fragilisés, essentiellement les artistes plasticiens. Il y a eu les terroristes, les inondations et la pandémie. On était complètement à plat. Notre travail consiste à exposer. Les acheteurs potentiels ne sont plus là. On se retrouve entre nationaux qui majoritairement ne connaissent pas. On est confinés face à cette pandémie qui nous nuit, nous détruit », déplore-t-elle. Après la résidence, l’exposition vente est prévue du 24 au 28 février 2021 à l’hôtel de ville de la capitale. Selon la présidente de l’APAP, 10% de chaque toile vendue sera remis au ministère de la santé pour aider à la riposte de la pandémie.