La question foncière déchaine les passions au Burkina Faso. A Bobo Dioulasso, deuxième ville du pays où le débat hebdomadaire de Studio Yafa a eu lieu, le public était chauffé à bloc. Levée de boucliers contre l’Etat qui a suspendu les opérations de lotissement pendant que les agences immobilières continuent d’acheter des terres, de les lotir avant de les revendre aux plus fortunés. Certains participants au débat mettent en garde : « le peuple va agir, on ne va pas attendre éternellement. Trop c’est trop ».
Souleymane Sawadogo s’insurge depuis quelques années contre ce qu’il qualifie d’injustice. Les opérations de lotissement du secteur 26 de la ville de Bobo n’ont pas profité aux résidents. Selon lui, les parcelles ont été vendues aux plus riches au détriment des populations qui devraient en être bénéficiaires. Secrétaire général de l’association Dougouguèra qui lutte pour le droit au logement dans le Houet, l’invité de Ya’Débat dit avoir peur pour l’avenir. « Où trouver des terres pour alléger les problèmes ? », se demande-t-il parce que pendant que les opérations de lotissement ont été suspendues, c’est le printemps des agences immobilières qui achètent, lotissent, et vendent des parcelles à des prix dont lui et ses camardes ne peuvent s’offrir.
« Les maires ne peuvent pas faire de lotissement, mais les agences immobilières continuent de s’accaparer les terres», enfonce Eloi Sawadogo. Il est président de la ligue des jeunes du Burkina, une organisation qui lutte pour la transparence dans les lotissements. Visiblement remonté sur le plateau, il en veut à l’Etat qui selon lui, a fui ses responsabilités. « Quand nous sommes dans un Etat sérieux, il n’y a pas de demi-loi. Il y a une suspension, on attend la levée pour commencer à lotir », poursuit-il avant de soupirer qu’il n’y a plus d’espoir pour les populations qui vivent dans les non lotis.
Tous ces problèmes ne sont pas étrangers à la mairie de Bobo Dioulasso. Pamphile Nignan, chargé de l’urbanisme, de la construction et du foncier communal, représentant la mairie avoue que tous les jours, des plaintes sont enregistrées. Il estime que les problèmes sont connus et que la décision de suspendre les opérations de lotissements n’était pas la solution. « Toutes les terres ont été achetées par les promoteurs », déplore-t-il.
« On vit un calvaire »
Dans la salle, le public est attentif et participe au débat. La gorge enrouée par l’émotion, Ismaël Ouédraogo résident dans un non loti, explique son chemin de croix depuis 20 ans pour entrer en possession de sa parcelle. « On vit un calvaire. (…) Ça fait 20 ans qu’on a cassé ma maison. Ça fait 20 ans que je poursuis la mairie pour ma parcelle. Je n’ai aucune trace », introduit le handicapé qui capte l’attention du public. Il brandit ses documents. « Je ne demande rien à l’Etat. Juste ma parcelle. Si on nous détruit, qu’est-ce que nos enfants seront demain ? Ça sera des grands bandits puisque leurs papas n’ont même pas de coins pour dormir », fulmine-t-il.
Moussa Kaboré, représentant de la ligue des jeunes à Sarfalao, un quartier de Bobo est lui convaincu que les mairies sont derrières les agences immobilières et qu’elles trouvent leurs comptes. « Il y a deal, je connais des arrondissements où les conseillers ont pris 3 parcelles chacun », révèle-t-il, arrachant au passage un tonnerre d’applaudissements dans la salle. Eloi Sawadogo lui également accuse les conseillers municipaux de deal de parcelle avec les agences immobilières. « Non je regrette. Je ne suis pas informé de cela », se contente Pamphile Nignan, chargé du foncier de la mairie.
Ouattara Domba en est sûr. Le problème du foncier est une bombe qui va exploser. « Il y a quelque chose qui ne va pas. C’est un blanchiment qui profite à l’Etat. Il faudra que ça s’arrête. Sinon, ne vous étonnez pas, le peuple va agir, on ne va pas attendre éternellement. Trop c’est trop » promet-il.
L’intégralité du débat sera été diffusée ce samedi 13 mars sur le réseau de nos radios partenaires.