Imaginez un salon douillet, une table centrale bien au milieu, avec des fauteuils confortables, une télé posée sur un meuble souple mais résistant. Sauf que ces meubles sont faits en carton. C’est le pari fou de Sylvain Zongo, un jeune passionné par le bricolage et le cartonnage, activité qui consiste à réaliser des meubles avec des feuilles de cartons.
Sylvain Zongo, 22 ans, vient de finir la composition de son baccalauréat session 2023. Pour se changer l’esprit et oublier la pression de l’attente des résultats, il nous conduit dans son domicile dans un quartier de Koudougou. Là se trouve également son atelier de fabrication de mobiliers en carton. Les cartons, il les avait préalablement achetés chez des vendeurs d’objets électroniques.
Le jeune homme sort le matériel, de la colle, du ciseau, un cutter, un outil qui lui sert à découper le carton. « On peut aussi utiliser la scie à la place du cutter. Mais c’est plus facile de le faire avec le cutter », explique Sylvain. D’un geste assuré, il découpe d’abord les morceaux de carton selon les dimensions prévues et tracées d’avance.
Une fois le découpage fini, il colle les différentes parties entre elles pour former la structure de la chaise. Puis, Sylvain renforce le tout avec des bandes de carton supplémentaires. Objectif, assurer la solidité et la stabilité du meuble. Aujourd’hui, il n’a pu se procurer tout le matériel décoratif pour finir son travail. Il s’agit par exemple de chiffons pour rendre la chaise plus rembourrée et douce.
Un travail rentable
En attendant de parfaire l’ouvrage, Sylvain se contente de peintre la chaise. Difficile d’imaginer qu’il s’agit d’une chaise fabriquée en carton. Puis, comme pour se rassurer de la solidité de son travail, le cartonniste nous invite à tester la chaise en nous y asseyant. L’expérience est concluante. La chaise ne bronche pas. « Ça, j’ai peut-être dépenser 5 mille francs en tout et je peux la revendre à 7500 francs CFA », fait remarquer Sylvain.
Mais, pour convaincre qu’il peut faire mieux, Sylvain présente son propre salon. « Voilà mes fauteuils, ma table centrale, ma table-télé, il y a quatre ans que j’ai fabriqué ce salon. J’ai juste changé l’habillage il y a un an », assure-t-il. Dehors, un fauteuil en carton déjà défait. « Vous voyez ce fauteuil, je l’ai réalisé il y a presque cinq ans. Le client est venu pour que je réalise un nouvel habillage », souligne-t-il.
C’est avec fierté que Sylvain parle de ses réalisations. Pour ceux qui peuvent en douter, il rassure de la qualité de son ouvrage : « L’avantage d’avoir ces genres de meubles, c’est qu’ils sont écologiques, démontables, légers et faciles à transporter ».
Le manque de confiance
Qu’est-ce qui motive Sylvain à entreprendre cette activité ? La passion, avant tout. « Au début, c’était juste pour le plaisir. Je me suis connecté à Internet, avec un ami, on a vu un vieux qui fabriquait des classeurs de chaussures en carton. Nous avons essayé de reproduire sans succès ». Mais, ils ne se laissent pas décourager. Ils continuent de suivre des tutoriels puis finissent par découvrir le secret. « Mais aujourd’hui, je continue seul parce que mon ami n’est pas là », précise-t-il.
Aujourd’hui, Sylvain ne se contente pas de réaliser des meubles. « Je fabrique aussi les jouets que les enfants aiment utiliser dans les écoles maternelles comme des chevaux, des balançoires en carton », apprend-t-il.
Trouver de la clientèle reste le principal défi pour Sylvain. Car, les gens n’ont pas confiance. « Même mon entourage qui me voit travailler, doute toujours. Les gens se disent que c’est quelque chose qui ne peut pas durer pendant longtemps », regrette-t-il. Pourtant, Sylvestre estime que ses œuvres sont moins chères. Les fauteuils en bois vendus à 300 mille francs CFA s’achètent entre 150 mille et 200 mille francs CFA chez lui.
A quelques pas de là, chez Joël Nathan Kaboré, un client devenu son ami a fini par être séduit. Il pensait à une blague lorsqu’on lui souffla que Sylvain fabriquait des meubles en carton. « Quand on m’a parlé des meubles qu’il fabriquait en carton, je me suis posé des questions. J’ai pensé qu’il assemblait le carton avec d’autres matériaux que ça tienne débout », raconte-t-il.
Malgré ses assurances, il a voulu pousser plus loin : « Alors, je lui ai demandé si je peux sauter et tomber sur le fauteuil et me balancer. Il m’a dit que je pouvais le faire. Je l’ai fait. Les fauteuils ont bien résisté ». Toutes ces expériences finissent par vaincre son scepticisme. Conquis, c’est désormais lui qui fait de la publicité auprès de ses amis.
Sylvain se sent aussi investi d’une mission écologique. « Effectivement, ça peut continuer à la protection de l’environnement parce que les gens achètent du matériel emballé avec du carton mais ils ne savent pas quoi faire avec le carton lorsqu’ils déballent. Je vais auprès d’eux pour récupérer donc ces cartons », détaille-t-il à nouveau.
Malgré la rareté de la clientèle, Sylvain juge l’activité rentable. Car il a pu se faire beaucoup d’économies comme payer sa scolarité et réaliser son projet d’élevage. Il espère partager sa passion avec d’autres jeunes, parce que selon lui, le cartonnage est un métier d’avenir.
Boukari OUEDRAOGO