Au Burkina Faso comme ailleurs, le doctorat est le plus haut grade universitaire. Il s’obtient en principe huit années après le diplôme du baccalauréat. Si dans l’imaginaire de nombreux Burkinabè le statut de docteur peut sembler valorisant et gratifiant, la réalité est parfois toute autre. Zoom sur cette génération de jeunes chercheurs dans nos universités.
Les noms ne manquent pas pour les identifier : « doctorants », « thésards » ou « jeunes chercheurs ». Ils consacrent leur temps et leur énergie à la recherche. Tous deux doctorants à l’Université Joseph Ki-Zerbo, Hemma Fourmié mène une étude sur le théâtre et développement pendant que Louis Ouédraogo s’investie dans le domaine de la chimie. Pour ces deux étudiants chercheurs, le doctorat est avant tout un long parcours du combattant. Dans quelques mois, Louis sera peut-être devant un jury pour défendre sa thèse de doctorat. Ce sera alors l’aboutissement de six ans de recherche.
Quand il parle de cette expérience, le jeune homme est passionné, comme habité par son sujet, mais aussi dépité par tous les problèmes qu’il rencontre. « Lorsque je commençais ma recherche en 2016, je ne pensais pas que ça allait être comme-ça », raconte-t-il. Comme si les deux jeunes chercheurs s’étaient concertés, Hemma dira exactement la même chose : « quand je commençais, je me disais qu’avec moi ça allait partir très vite. Mais c’est quand tu es dedans que tu comprends vraiment les choses ».
Selon les deux étudiants, l’un des premiers obstacles lorsqu’on veut être doctorant, c’est le financement.
« La thèse peut être facile si on fonctionne avec une bourse » note Louis. Mais sans bourse, poursuit-il, « il faut compter sur tes propres ressources ou demander un prêt au FONER (fond national pour l’éducation et la recherche, ndlr) pour pouvoir régler les frais de laboratoire ». Ce premier obstacle franchi, le doctorant n’est pas pour autant sorti de l’auberge. Il faut aussi qu’il subvienne à d’autres besoins. Pour y faire face, Louis assure des heures de cours dans quelques établissements scolaire de la place. Fonctionnaire de l’Etat, Hemma, lui finance ses recherches grâce à son salaire.
Entre solitude et incompréhension
Au-delà des difficultés financières et matérielles, il y a aussi des obstacles psychologiques. Faire de la recherche sur plusieurs années et avec une grande intensité peut toucher les individus au plus profond. Le plus dur pour Louis, c’est la solitude et l’incompréhension des autres : « Quand vous faites de la recherche vous êtes dans une solitude permanente, vos proches et vos amis ne comprennent pas forcément votre démarche donc vous finissez par ne plus parler, ni de vos travaux, ni de votre quotidien de chercheur ». Quant à la vie sociale, elle prend aussi un coup.
« Je dois avouer que vie ma sociale n’est plus la même depuis que je suis engagé dans cette recherche. Il m’arrive souvent de réaliser des expériences de 13h d’affilées et en ce moment je ne peux pas bouger du laboratoire. Si pendant ce temps tu es attendu quelque part, c’est compliqué », raconte-t-il. Selon Hemma, « quand tu vas à l’université et tu rentres après 20h, on se demande si tu étais vraiment à l’université. On ne peut pas toujours continuer à se justifier et tu es obligé de laisser les gens faire leur interprétation mais au fond tu sais ce que tu veux. Et tu sais que tôt ou tard quand le résultat sera là, tu pourras présenter cela comme la preuve de ta bonne foi ».
Toutes ces difficultés qui pèsent sur jeunes chercheurs conduisent nombre d’entre eux à ne pas aller jusqu’au bout de leur aventure. La question de l’abandon a souvent traversé l’esprit de Louis : « Les réalités du terrain sont autres que ce que les gens pensent généralement. Je me suis souvent demandé s’il fallait arrêter ou continuer ? Mais il faut vraiment de la détermination », conclut-il.