La Covid-19 au Burkina Faso a eu le mérite de libérer le génie créateur de certains jeunes. Inventeurs, entrepreneurs, chercheurs ou ingénieurs, ils ont mis au point différentes solutions pour participer à la lutte contre la pandémie. Mais ces jeunes cerveaux connaissent des fortunes diverses. Une année après l’apparition du virus, c’est la désolation pour eux qui regrettent de n’avoir pas été soutenus et encouragés dans leur élan. « C’est dommage », soupirent certains.
Les idées fourmillent dans la tête de Issa Kouakou, chercheur, inventeur, professeur de technologie, ingénieur de conception. Dans son atelier situé au quartier Tanghin de Ouagadougou, lui et sa jeune équipe cogitent pour sortir des réponses locales aux enjeux nationaux. Il y a un an, alors que le Burkina enregistrait ses premiers cas de Covid et que le problème des respirateurs se posait avec acuité, Issa mettait au point, un respirateur. La fièvre semble être retombée. Ce 24 février lorsque nous lui demandons où se trouve l’appareil, c’est au milieu d’un bazar qu’il le sort, tout poussiéreux.
« Le respirateur est là, je continue de travailler là-dessus », dit-il. Mais en réalité, ce n’est plus vraiment sa priorité. « C’est un très long processus », se contente-t-il de dire. Une année après, l’appareil de Issa n’est toujours pas fonctionnel. Il regrette le manque d’intérêt du gouvernement pour l’expertise nationale. « Ils ne donnent pas beaucoup d’importance aux technologies internes. Si ça vient de l’extérieur, ils font plus confiance », constate l’inventeur, amer.
Son constat de déception est partagé par Nathanaël Kopia, entrepreneur digital et social. La trentaine, il a mis au point un masque intelligent au temps fort de la Covid au Burkina. Ce, après avoir fait le constat que la population n’aimait pas porter le masque. « Nous avons ajouté une technologie pour rendre le masque plus protecteur et comme un outil d’autocontrôle de sa santé parce que le masque est doté de capteur qui permet au porteur d’avoir ses constantes, c’est-à-dire sa température, le rythme cardiaque», explique le jeune inventeur. Une année après, le bilan est mitigé chez lui également. « Ça aurait été plus rapide si on avait une structure derrière pour nous accompagner. Actuellement nous sommes à la recherche de partenaires ».
L’expertise nationale ignorée ?
Issa Kouakou est convaincu que s’il était dans un autre pays, son invention aurait suscité plus d’engouement, de soutien, ce qui aurait accélérer les travaux. « Il y a des pays qui sont plus accueillants pour les chercheurs. Ici au Burkina on n’accorde pas de l’importance aux ingénieurs et autres (…) Il n’y a aucune structure au Burkina pour soutenir les initiatives qui sont des initiatives de développement », fulmine-t-il. Mais pour lui, pas le temps de se décourager, parce que poursuit-il, c’est une question de mentalité avec laquelle il faut composer.
« Le temps du découragement est passé. Je connais comment les gens fonctionnement maintenant », se résout Issa. Le jeune Nathanaël Kopia regarde avec envie ses camarades des autres pays. « Je collabore beaucoup avec des jeunes de la sous-région dans toute l’Afrique et même en Europe. Pour une technologie qui ne vaut même pas ce masque, il y a la mobilisation de beaucoup de partenaires, le gouvernement et les privés vont s’impliquer, essayer d’encadrer le jeune et son innovation peut être un patrimoine national. Mais ici c’est compliqué », relève-t-il.
Il précise que depuis la sortie de son article, il n’a reçu aucun appel téléphonique d’une autorité ou d’une entreprise privée pour le féliciter ou s’engager à l’accompagner.