A Fada N’Gourma, dans la région de l’Est du Burkina Faso, Gabriel Diadama Tompoudi force le respect et l’admiration de plus d’un. Personne vivant avec un handicap, il fait partie des plus grands soudeurs de la région selon plusieurs habitants.
Samedi matin. 08h. Le soleil s’est déjà levé sur Fada Gourma. A environ 100 m du marché, des bruits assourdissants. Des coups de marteaux associés au bruit incessant des scies qui coupent sans cesse du fer, se font entendre. A l’approche, un vaste atelier sans clôture où des étincelles de feu brouillent la vue.
Devant de grosses barres de fer implantées, un homme, assis sur une chaise roulante. Autour de lui, deux enfants qui observent attentivement pendant que trois autres manient du fer à la forge. Nous sommes à l’atelier de Gabriel Diadama Tompoudi, l’un des plus grands de la ville de Fada N’Gourma.
Les petits pas d’un rêveur
Selon l’homme de 58 ans, tout a commencé dès l’âge de cinq ans. A l’époque, Gabriel apprend la forge traditionnelle aux côtés de son père. « En ce moment, je soufflais d’abord, ensuite l’apprentissage de petits outils comme fabriquer une aiguille » se rappelle-t-il.
N’ayant pas été à l’école à l’âge recommandé, il s’inscrit en classe de CP1 en 1987 alors qu’il avait 16 ans. En même temps, il ouvre son premier atelier de forge traditionnelle : « Je faisais des dabas traditionnelles » dit-il. Voulant faire mieux que son père, Gabriel intègre le centre d’encadrement et de formation des jeunes de la rue (INEPRO-GAMPELA) pour se perfectionner. Il est d’ailleurs la première personne vivant avec un handicap à entrer dans ce centre.
« A l’époque, il n’y avait pas de matériel adapté pour les personnes vivant avec un handicap. J’étais le seul et lorsque je suis venu, une année plus tard, ils ont commencé à accueillir des personnes vivant avec un handicap. » raconte-t-il. En 1989, le forgeron poursuit sa quête du savoir au Centre national de Perfectionnement des Artisans ruraux devenu Agence nationale de Promotion de l’Emploi. Dans ce centre, il réussit à ajouter une autre corde à son arc : la soudure. « C’est dans cette école qu’il y a eu le perfectionnement de la forge traditionnelle à la forge moderne».
Une expertise reconnue et valorisée
En 2020, Gabriel a été fait chevalier de l’Ordre national, développement rural avec agrafe artisanat pour sa contribution à la formation des jeunes dans la région de l’Est. « J’ai contribué à former 60% des artisans de Fada N’Gourma à la confection métallurgique qui pour la plupart sont installés à leurs propres comptes » affirme Gabriel, avec un brin de fierté.
Son expertise est également sollicitée par les services de l’Etat burkinabè. « J’ai réalisé les garde-fous des radeaux du barrage de Fada et à plusieurs reprises j’ai réalisé du matériel agricole sur commande de la Chambre de métier et d’artisanat du Burkina Faso qui était destiné aux paysans » raconte-t-il.
Outre, l’Etat, Gabriel affirme avoir offert ses services dans plusieurs organisations non gouvernementales intervenant dans la région de l’Est notamment dans la confection et la formation.
Gabriel ou le handicapé modèle
Malgré son handicap, Gabriel Tompoudi fait aujourd’hui partie de ceux qui forcent le respect et l’admiration par le travail. Son secret, nous dévoile-t-il, c’est la résilience et le refus de s’apitoyer sur son handicap. « Mon handicap n’est pas un frein à ce que je peux faire. L’occasion m’a été donnée de réaliser ce grand atelier qui fait la fierté de la région de l’Est » a-t-il affirmé.
Des clients que nous avons rencontrés à son atelier, saluent le professionnalisme de l’homme. « Je suis venu pour personnaliser ma vignette et voilà, c’est bien fait. Gabriel fait du bon boulot et à chaque fois qu’il y a l’occasion, je le recommande » déclare Edmond Thiombiano.
L’atelier de Gabriel est aujourd’hui une référence dans la région de l’Est en terme de formation. « Il n’y a pas un endroit dans la région de l’Est où vous allez trouver un ou deux soudeurs sans qu’ils ne soient formés dans cet atelier » lance Gabriel.
Selon ses dires, plus de 47 jeunes auraient été formés dans son atelier depuis sa création. « Aujourd’hui, beaucoup parmi ces jeunes se sont installés à leur propres comptes. Ici, c’est comme un centre de formation où les personnes vivant avec un handicap et valides viennent apprendre » se réjouit-il.
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Ousseini, 14 ans est apprenti chez Gabriel. Présent pour apprendre la soudure depuis six mois, il dit vouloir devenir comme son maitre. « Tout travail sérieux est dur. Ce qui m’a motivé est que je veux apprendre le métier pour devenir quelqu’un demain», espère le jeune apprenti. Du haut de ses 58 ans, Gabriel Tompoudi rêve de voir les jeunes qu’il a formés prospérer et surtout voir ces jeunes former d’autres jeunes pour contribuer non seulement au développement de la région de l’Est mais surtout de tout le Burkina Faso.
Comme dans un rétroviseur, Gabriel regarde souvent le parcours qu’il a accompli durant toutes ces années. Les moments de doute, de peine, mais aussi les moments de satisfaction quand il pense avoir contribué à changer qualitativement plusieurs vies, ses lauriers comme les décorations ou encore les hommages médiatiques lointaines. « C’était à l’émission bon dimanche avec Big Ben. J’étais l’invité spécial et ce jour j’ai été célébré comme modèle. C’est mon plus beau souvenir » se rappelle-t-il, les yeux luisant de joie.
Faïshal Ouédraogo (Collaborateur)