La flèche et le carquois : des outils de l’identité culturelle Lobi, peuple du Sud-Ouest du Burkina. A Gaoua, chef –lieu de la province du Poni, le tir à l’arc, exercice d’adresse et de concentration est menacé de disparition. Les jeunes ne s’y intéressent pas. Quelques anciens tentent de les reconnecter avec ce pan important de leur culture.
Au stade régional de Gaoua, sur l’aire aménagée pour le tir à l’arc, un groupe d’archers s’entrainent. La cible dressée à une certaine distance est l’objet de toutes les attentions. A différents niveaux, les archers, garçons et jeunes filles, décrochent des flèches dans des carquois portés en bandoulière, les fixent sur la corde, visent patiemment avant de les laisser s’échapper. Les membres de l’Association pour la promotion du tir à l’arc dans le Poni (APTARC/P) sont entrain de prendre de la graine auprès des plus expérimentés.
Noufé Ollo est un espoir pour le tir à l’arc dans la province du Poni et dans la région du Sud-Ouest. A seulement 18 ans, il a déjà 5 trophées à son palmarès. « Je m’entraîne beaucoup. Quand je me positionne pour tirer, je coupe ma respiration et je ne bouge jamais mes pieds (…) J’étais très content quand j’ai eu ce trophée », dit-il en brandissant avec fierté son dernier trophée. Des jeunes comme Ollo Noufé, il n’y en a plus beaucoup dans la région. « Nous constatons une marche à reculons, une perte de vitesse du tir à l’arc. C’est une culture en voie de disparition, les jeunes ne s’y intéressent pas », constate impuissant Hondité Kambiré, ancien champion national du tir à l’arc à la semaine nationale de la culture.
« Les jeunes ne s’y intéressent plus. Surtout ceux qui sont allés à l’école trouvent que c’est une pratique des anciens et que c’est honteux de porter un arc. C’est tout ce qui fait que cette culture tombe progressivement en désuétude », ajoute avec amertume Hien Ko-Pounê, également ancien champion, et par ailleurs secrétaire général de l’APTARC/P. Pourtant quelques jeunes se laissent séduire par ce sport de précision. Mais les regards ne sont pas toujours encourageants autour d’eux. « Quand on vient à l’entrainement, les gens nous regardent bizarrement et ils ont peur de nous et nous disent que ce n’est pas un travail de fille », raconte Kambou Yéri So, 18 ans en classe de 4e.
Plaidoyer pour bien tirer
Pour se défendre, pour chasser, pour s’identifier culturellement…L’arc est au cœur du quotidien du Lobi. « Pour le Lobi, c’est une question de naissance. Nous on n’a pas appris, on est née avec. A l’époque, quand un père avait un bébé, la première chose à lui donner, c’était un arc », explique Hien Ko-Pounê. Il dit ne même pas savoir quand est-ce qu’il a précisément commencé à flécher. Encore plus jeune, il raconte avoir tué des lièvres et bien d’autres animaux sauvages avec son arcs. Devenus adultes, il continue d’entretenir cette partie de son identité. « J’apprends à tous mes enfants à flécher ».
Hondité Kambiré dit espérer plus d’initiatives de la part des autorités pour sauver l’avenir du tir à l’arc. Pour lui, la semaine nationale de la culture qui se tient chaque deux ans au Burkina ne saurait être la seule tribune pour les archers qui ont besoin de compétitions pour s’aguerrir. « Nous n’avons pas les outils, le matériel nécessaire pour la formation. Comment les jeunes peuvent-ils s’intéresser à quelque chose s’il n’y a pas le matériel. Si on avait l’accompagnement du gouvernement, on pouvait organiser des compétitions. Les enfants qui viennent assister à l’entrainement, s’ils voient leurs papas, leurs ainés à l’œuvre, il n’y a pas de raison qu’il n’y ait pas de relève », décroche Hondité Kambiré tout en espérant atteindre sa cible.