C’est un marché particulier essentiellement animé par des femmes. A la cité Asecna de Ouagadougou, dans la quartier Paglayiri, une centaine de femmes prennent d’assaut la chaussée à chaque tombée de nuit. Elles sont plus d’une centaine à proposer des aliments pour bétail, des herbes notamment qu’elles vont chercher à plus de 30 km de la capitale sur leurs vélos. Une activité avec des revenus dérisoires, mais empreinte de risques.
Vous les avez certainement croisées un jour en circulation. Des femmes sur leurs vélos chargés d’aliments pour bétail. Certaines parcourent 20 à 30 kilomètres par jour sur leurs montures de fortune pour se ravitailler. Salimata Ilboudo, 57 ans et mère de 7 enfants est l’une de ces commerçantes depuis quatre ans. Elle quitte ainsi la maison, tous les jours de lundi au vendredi dès 8h du matin, à la recherche des herbes pour les écouler le soir aux abords de la Cité Asecna. Ressortissante d’une zone à fort défi sécuritaire, elle a dû rallier Ouagadougou.
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Dans la capitale, loin de son village et démunie de presque tout, il fallait bien continuer à vivre dans ce nouvel environnement où tout s’achète. « Un jour dans mes promenades, j’ai croisé une connaissance de mon village Titao. Elle était en train de vendre les aliments pour bétail et j’ai profité lui dire que je cherchais de quoi faire. Après quelques minutes échanges, elle m’a proposé de la rejoindre dans la vente d’herbes», explique Salimata qui depuis, a intégré le groupe de femmes. Chaque jour, avec les autres femmes, Salimata se rend à Nabagré ou Koubri, des localités situées à une trentaine de kilomètres de la capitale. Elles s’y approvisionnent avant de reprendre le chemin du retour aux environs de 17h.
Amado Compaoré est éleveur de mouton. Il est surtout un client fidèle de Salimata. Chaque soir à 21h, il vient prendre de quoi nourrir ses bêtes. Admiratif de ces femmes, il l’est. « J’encourage beaucoup ces femmes qui ont décidé de se faire de l’argent dignement », dit-il, avant de remarquer que dans un passé récent, cette activité était l’apanage des hommes. « De plus en plus, des femmes la mènent. Et cela est à encourager car rester dehors à des heures tardives pour faire du commerce n’est pas facile surtout pour une femme », reconnait Amado Compaoré.
Des risques dans la paille
Le business des herbes pour bétail présente des difficultés et d’énormes risques, selon les commerçantes. Pour Julienne Sanfo, cette activité demande beaucoup de force physique parce que de plus en plus, il faut aller loin pour avoir la marchandise. « Il faut parcourir des kilomètres à vélo dans des villages pour chercher l’herbe et revenir revendre à Ouagadougou. Parfois, nous revenons bredouilles», dit-elle.
En plus de cela, la vente des herbes débute entre 17h et 18h. Un commerce nocturne donc qui prend fin souvent à 00h. Du coup, les familles souffrent de l’absence des mères et des épouses. « A cause de ce commerce, je n’ai plus assez de temps pour m’occuper de ma famille. Je quitte ma maison vers 7h 30 et c’est à 00h 30 que je rentre des fois, quand je n’arrive pas à vite écouler la marchandise », poursuit Julienne, mère de 4 enfants. Heureusement, se réjouit-elle, son mari est compréhensif et s’occupe des enfants quand elle n’est pas là.
Au manque de temps s’ajoutent les risques d’accidents. Alizéta Sawadogo, 29 ans en a été victime lorsqu’elle revenait de Koubri, il environ 6 mois. Elle s’en est sortie avec de graves blessures, ce qui l’a éloigné du commerce pendant une certaine période. «Je ne suis pas la seule à avoir subi cela. Les accidents sont très fréquents dans notre activité, vu que c’est sur le vélo que nous partons chercher la marchandise qui est très lourd et on perd souvent l’équilibre », précise Alizeta.
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Les agressions ne sont pas non plus à écarter. Certaines femmes ont été dépossédées de leurs maigres gains, alors qu’elles rentraient tard dans la nuit. C’est le cas de Florence, qui se rappelle avec tristesse de sa mésaventure quand elle regagnait son domicile à Bonheur-ville, quartier excentré au sud-ouest de la capitale. « Toute ma recette de 3 jours m’a été arrachée par des voleurs. D’autres diront que ce sont des miettes mais pour moi c’était une fortune », laisse-t-elle entendre. 2000 F à 3000 F CFA, c’est la recette quotidienne de plusieurs de ces femmes.
Malgré les difficultés, la vente des herbes destinées aux animaux permet à ces femmes d’avoir des revenus pour subvenir à leurs charges et à celles de leurs familles. Malgré des revenus dérisoires, elles disent n’avoir pas le choix à cause du manque d’autres activités moins contraignantes. Une façon pour elles de serrer le pagne, comme les hommes serrent la ceinture en période de vaches maigres.
Studio Yafa avec MoussoNews