A mille lieux de leur pays, des jeunes tchadiens vivant au Burkina suivent de près la situation politique qui y prévaut. Pour certains d’entre eux qui disent avoir fait l’expérience de la dureté du régime de Idriss Déby Itno, sa mort est un ouf de soulagement. Pour d’autres, l’espoir d’un nouveau Tchad est possible à condition que l’armée soit écartée de la gestion du pouvoir.
Raïssa, jeune tchadienne, vit à Ouagadougou depuis quelques années dans le cadre de ses études. La nouvelle de la mort du président Idriss Déby Itno a été une surprise. Pendant que les messages d’indignation, de condoléances et de regrets fusaient de partout, Raïssa avait d’autres préoccupations. « Particulièrement moi sa mort ne m’attriste pas beaucoup au point que je sois malheureuse. Je suis plus inquiète pour ma famille qui est sur place et les choses qui vont s’en suivre », dit-elle. Raïssa ne se réjoui pas de la mort de son président, mais dit garder de mauvais souvenirs des 31 ans de pouvoir du président défunt.
« Pour une personne qui est née après le régime de Idriss Déby qui a vu ce qui s’est passé, il n’y a pas à dire qu’on le regrette. On aurait aimé qu’il parte autrement, qu’il réponde de ses crimes, mais pas qu’il meurt de cette façon», poursuit la jeune étudiante en environnement et développement durable. Ce sentiment est partagé par Masbe Ndengar. Pas le temps de pleurer son président. « Il a dit qu’il va mourir armes à la main et qu’il n’est pas arrivé au pouvoir par un billet d’avion ou un ticket de bus…donc il n’est pas question qu’il cède le pouvoir et qu’il va l’exercer jusqu’à la mort, on peut dire que Dieu a exaucé sa prière, c’est tout », rappelle-t-il.
Il y a quelques jours, Masbe Ndengar et certains de ses camarades avaient dénoncé au cours d’une conférence de presse et d’un sit-in devant l’ambassade du Tchad à Ouagadougou, le 6e mandat du président tchadien. La suite des événements est selon lui, la preuve qu’ils avaient raison. « C’était un 6e mandat de trop (…) Il est allé pour tuer d’autres tchadiens. C’était des rebelles, et c’est suite à sa gouvernance chaotique que les gens se sont révoltés», explique-t-il. « C’est un mal nécessaire, c’est un ouf de soulagement pour le peuple Tchadien. On aurait bien voulu que Déby quitte le pouvoir et qu’on l’enferme. Je dirai que Dieu a été très clément avec lui, là il repose en paix. C’est comme si notre prière a été exaucée », tranche le blogueur activiste et refugié tchadien Arnaud Nadjitoide.
Plus aimé à l’étranger ?
La jeune étudiante Raïssa ne peut s’empêcher d’esquisser un sourire, quand on lui demande si elle a remarqué que le défunt président était populaire surtout dans les pays du Sahel où il était vu comme le guerrier qui casse du terroriste. « On n’a pas le même sentiment, parce que nous avons déjà du vécu. Déby n’est pas le président de la sous-région, mais d’abord du Tchad. Ce sont ses actions au Tchad qui doivent prévaloir sur l’action dans la sous-région. Il a été élu, même si les élections sont truquées, pour d’abord le bien du peuple tchadien. Les gens peuvent dire ce qu’ils veulent, mais c’est le peuple tchadien qui devrait passer avant tout », défend la jeune fille.
Pour eux, l’après Déby est porteur d’espoir. « C’est vrai, on peut avoir des surprises agréables ou désagréables. Mais c’est toujours mieux par rapport Déby dont la surprise n’était que désagréable », tranche Masbé. Arnaud Nadjitoide lui estime que le combat des jeunes tchadiens pour l’alternance doit continuer. « L’après Déby ne sera pas très facile et nous le savons très bien. Ça veut dire que notre lutte continue. Ce n’est pas une monarchie. En temps normal c’est le président de l’assemblée nationale qui devrait être désigné président. On a laissé Déby continué ainsi et après c’était difficile de l’arrêter. Cette fois, nous n’allons pas nous laisser faire », promet le jeune refugié.
Ces jeunes tchadiens disent espérer une armée plus républicaine et non clanique, une démocratie plus renforcée, un développement plus inclusif.