Quand la religion est convoquée sur le plateau de Ya’Débat, il y a forcément de la passion, des étincelles entre les adeptes de la religion traditionnelle africaine et ceux des religions dites révélées. La liberté de culte et le respect de la foi des autres sont mis en cause quand des fétiches sont publiquement brulés, clame un jeune invité au débat, pendant qu’un autre dit cautionner ces incinérations au nom de sa foi.
Gaousso Yabré s’assume. Il dit être un adepte de la religion traditionnelle. Le jeune homme dit constater que de plus en plus, de jeunes comme lui se « libèrent » des religions dites révélées pour retourner vers l’authenticité, les pratiques endogènes. « Quand ils se réfèrent au Dieu des religions dites révélées qui n’arrive pas résoudre leurs problèmes, il retourne aux sources. Ils prient et jeûnent, ça ne résout pas le problème. Les religions dites révélées n’arrivent pas à résoudre les problèmes des jeunes », constate-t-il. Pour lui donc, les africains retournent vers les religions qui les ressemblent, mais le font en cachette.
Henry Paré réplique sans attendre. « Je t’assure que c’est faux. Nous sommes dans cette foi chrétienne et nous avons toujours trouvé la solution dans la prière et le jeûne dans le saint nom de Jésus », lui rétorque le jeune membre du buisson ardent, renouveau charismatique. Les positions semblent être tranchées. « Je comprends la réaction des jeunes. Je la comprends, je la partage. C’est ce qui rend une société dynamique. Ça veut dire que le dialogue est possible », tempère pour sa part Dr Miédome Kam, anthropologue.
Pas sûr que le dialogue soit possible. Selon, Gaousso Yabré encore aujourd’hui, comme toujours, les adeptes des religions dites révélées diabolisent ceux des religions traditionnelles. «On continue de diaboliser, on brûle les fétiches sous prétexte que c’est satanique. C’est ce qui nous a frustrés(…) il n’y a pas de raison qu’on se provoque en public. Ce sont des actes ostentatoires qui doivent être sanctionnés. Ça pourrait créer des dérives », prévient Gaousso.
« Face à la foi et à nos frères qui sont dans la religion traditionnelle, nous avons un profond respect. La preuve, il y a le dialogue interreligieux au sein de l’église. Ils ne sont pas nos ennemis. Nous les respectons. Nous ne les diabolisons pas (…) », répond Henry Paré comme pour calmer la tension naissante. Mais aussitôt, il enfonce le clou. « Nous nous inscrivons dans ce que l’église saint Pierre de Gounghin a fait. Cela s’inscrit dans la dynamique d’évangélisation de l’église. Je suis tout à fait d’accord de l’incinération de ce que vous appelez fétiches », tranche-t-il. Dr Kam lui ne qualifie pas l’incinération des objets de culte traditionnels et objets envoûtés de « provocation publique », mais soutient que cela « joue sur la compréhension de la laïcité ».
Culture et rites, éviter l’amalgame
Il est difficile de dissocier le religieux de la culture, note Gaousso Yabré pour qui les deux vont de pairs. « Le comportement des adeptes des religions révélées se réfère au mode de vie des propriétaires de ses religions(…) du coup, ils se retournent contre la culture africaine. Même quand tu dis que tu es traditionnaliste, on te voit comme un paria, c’est difficile de courtiser une fille. Les religions nous ont divisés », regrette-t-il.
Henry Paré ne se reconnait pas dans ces propos. Il dit aimer tout ce qui est de la culture San. Mais sa foi lui impose certaines limites. « Si on me demande d’envoyer le poulet au bois sacré, je ne vais pas aller, parce que Jésus a déjà payé le prix et m’a sauvé. Je n’ai pas à m’enquiquiner avec ces choses encore », clame-t-il. L’anthropologue Dr Miédome Kam, précise que la religion est déterminée par les rites, pendant que la culture est une notion plus globale. Il ajoute que le religieux fait partie du culturel, avant d’inviter les jeunes à se cultiver davantage sur les aspects religieux.
Ya’Débat est diffusée ce samedi 07 mai à partir de 09 heures pendant l’émission « Le grand rendez-vous » sur l’ensemble des radios partenaires du Studio Yafa.