Les invités de Ya’Débat ne sont pas fondamentalement contre la dot. Par contre certains dénoncent la surenchère qui fait perdre, à ce symbole d’union entre deux familles, son importance. Edith Diarra la plus jeune invitée du plateau quant à elle dénonce une atteinte aux droits de la femme. Un homme peut doter plusieurs femmes, mais pourquoi la femme ne peut être dotée à nouveau quand son premier mariage n’a pas tenu se demande-t-elle ?
Edith Diarra n’est pas contre la dot dans son principe. Mais la jeune étudiante et militante de femin-in, un mouvement féministe regrette la surenchère dans certaines cultures. « Toute l’année, tu n’arrives pas à payer une vache, on te demande de venir doter une fille avec deux, trois vaches. Imaginez !», enrage la jeune fille. Elle dit avoir l’impression que des parents vendent leurs filles. Et selon elle, c’est la porte ouverte aux dérives. « (…) dans ce cas, l’homme te traite comme il veut, parce qu’il t’a acheté à ta famille ».
Avec attention, Naba Saga 1er, chef de Issouka de Koudougou écoute la jeune invitée. Il dit la comprendre, il y a des familles qui exagèrent, mais il faut relativiser. « On n’achète pas une femme, elle n’a pas de prix dans la tradition. Au lieu de dire payer la dot, on doit dire honorer la famille », propose-t-il, avant d’ajouter que la dot a surtout une valeur symbolique. « Il y a des cas où c’est de la cola, du sel, une poule, un mouton ».
Wendlamita Marino Compaoré, chargé de cours de philosophe et d’anthropologie du droit lui aussi relève que de plus en plus, la valeur symbolique du mariage disparait. Il regrette des élans folkloriques et le fait qu’avec « la monétarisation de nos sociétés, on renvoie tout à l’argent ». Pour lui, le processus de la dot a changé dans son organisation et au niveau du porteur de la charge. « Avant c’était le groupe social qui portait la charge de la dot. Les sociétés ne sont plus dans cette dynamique de solidarité mécanique », déplore également le jeune invité.
« On brime le droit de la jeune fille »
Edith Diarra rapplique. L’étudiante dénonce ce qu’elle qualifie d’injustice faite à la jeune fille, par le biais de la dot. « Chez nous par exemple, la dot est unique. Quand la jeune fille est dotée, si entre temps avec son homme ça ne va pas, et qu’ils se quittent, c’est fini pour elle sur le plan traditionnel. Pourtant l’homme peut doter plusieurs filles. Il y a une injustice quelque part », se plaint-elle tout en lançant une question aux autres invités. « Si nous ne sommes plus ensemble, vais-je rester liée traditionnellement toute ma vie, alors que lui refait sa vie ? ».
Wendlamita Marino Compaoré, reconnait que les sociétés sont phallocratiques. Mais il souligne que la société traditionnelle ne conçoit pas d’égalité mais de la complémentarité entre les hommes et les femmes. Edith Diarra insiste et prévient, il faut reformer la dot. Dans le cas contraire, elle risque de perdre sa valeur, « les jeunes vont se rabattre facilement sur les mariages religieux et civils », prévient-elle. Le chef saisit la mise en garde au rebond. Effectivement, reconnait-il des jeunes sautent cette étape du mariage, mais pour une raison : « C’est parce qu’au fond d’eux, ils savent que ces mariages peuvent être cassés à tout moment, on peut divorcer à tout moment(…) s’il y a des jeunes qui optent pour ça, c’est beaucoup pour des solutions de facilité. Alors que si vous allez dans le mariage traditionnel, c’est indissoluble », martèle-t-il.
La contradiction vient cette fois de Wendlamita Marino Compaoré. « Je ne suis pas d’accord avec le Naba. Il y a l’aspect procédural du processus de dotation. C’est synonyme de prise de temps, alors que nous sommes dans une société où le temps manque. Ce n’est pas la solution de facilité, mais des réalités qui s’imposent aux jeunes », défend-t-il.