Dans la province du Nahouri, certains producteurs sont inquiets. La campagne agricole a débuté avec du retard à cause de l’irrégularité des pluies. La livraison tardive des semences améliorées n’a pas permis aux cultivateurs de semer à temps. Ils craignent de ne pas pouvoir assurer l’autosuffisance alimentaire dans cette localité habituellement fertile.
Nous sommes à Torem, un village situé à environ 6 km de la commune de Pô. Sur les terres de Lirassé, les pousses de maïs presque collés au sol. Les années antérieures, à cette période de la saison, les plants seraient presqu’au niveau des chevilles. Certaines parties du champ sont mêmes désertes, comme si aucune graine n’avait été semée.
Nous sommes le 20 juillet 2023. Lirassié n’a pas encore terminé ses semis. D’autres n’ont pas poussé à cause de la mauvaise pluviométrie « Sinon avant, à l’heure-là, les semis sont finis et je suis en train de sarcler mon champ. Mais comme il ne pleut pas… », soupire Franck Lirassé.
Il n’est pas le seul dans cette situation. Dans toute la commune de Pô et les villages environnants, les pluies sont rares à cette période. Cette situation n’est pas rassurante. « J’ai déjà semé depuis début juillet, vers le 10 juillet, ça n’a pas poussé. Quand j’ai semé, ça fait deux semaines, il n’y a pas eu de pluie. Ce n’est qu’avant-hier que nous avons semé à nouveau. Et comme le champ est vaste je n’ai pas pu labourer », affirme-t-il avec regret.
Pour faire face à ce changement climatique, le gouvernement a mis à la disposition des agriculteurs des semences améliorées, adaptées au climat et à la zone agricole. Ces semences ont des cycles courts. Elles offrent aussi de meilleurs rendements comparativement aux semences locales. Mais là encore, il y a un problème. Les semences améliorées arrivent en retard aux agriculteurs. Ces derniers ne peuvent pas les semer à temps.
Une longue attente
Franck Lirassié n’a reçu ses semences que le 15 juillet, alors que la campagne était censée commencer au mois de juin. Les 15 kilogrammes de semences qu’il a pu se procurer sont insuffisants pour couvrir son champ. Il lui manque aussi des intrants, comme les engrais ou les pesticides, qu’il a du mal à obtenir auprès de la direction provinciale de l’agriculture du Nahouri. « Quand on va chercher les intrants, on nous fait tourner », se plaint-il.
La veille, une pluie est tombée sur le village de Torem. Ce producteur espère que cela va aider ses cultures à pousser. Mais ce n’est pas suffisant. Il craint que sa récolte ne soit pas assez abondante pour nourrir sa famille. Il n’est pas le seul. Dans le Nahouri, beaucoup d’agriculteurs redoutent une mauvaise année agricole. Sur le marché, difficile de se procurer les intrants à des prix abordables.
Le sac de 50 kg d’engrais, subventionné par le gouvernement, coûte 12 500 francs CFA. Sur le marché, il est vendu entre 30 000 et 35 000 francs CFA. Un prix prohibitif pour les agriculteurs du Nahouri.
A quelques kilomètres de là, nous retrouvons Lamine Dagano, qui vient de finir la pulvérisation d’une partie de son champ. « Avec le soleil qui commence à se lever, je dois arrêter. Ce n’est pas indiqué », dit-il en se débarrassant de son masque de protection. A un jet de pierre, son épouse et l’une de ses filles ressèment sur des parties vides.
Un handicap pour les producteurs
Lamine Dagano, producteur de céréales est agacé quand on lui parle des intrants. Il fait partie des paysans qui interpellent chaque année les membres du gouvernement sur le sujet. Mais rien ne change.
« Lors de la journée internationale du paysan, on demande une distribution rapide des semences et des intrants. Pour l’engrais, on peut comprendre puisqu’on ne produit pas d’intrants. Mais pour les semences, c’est inadmissible. J’ai reçu mes semences qu’avant-hier [mardi, 18 juillet 2023]. On est au combien aujourd’hui ? Le 20 juillet », s’indigne-t-il.
Le retard dans la distribution des intrants est un vrai handicap pour ces agriculteurs qui doivent faire face aux pluies tardives, irrégulières et imprévisibles. « Ici, on ne nous donne pas les intrants à temps et comme la pluie est capricieuse, on ne maîtrise pas. Il va de soi que la pluie s’arrête bien avant que le maïs ne soit en bonne maturité », regrette Dagano. Autre problème, la cherté de ces intrants.
Pour ces paysans, il faudrait que les intrants soient disponibles à partir du mois de mars. Cela leur permettrait de rattraper le retard tout en s’adaptant au changement climatique. « Le retard n’est pas aussi criard que ça. Ce sont des variétés améliorées qui s’adaptent à nos climats et à la zone agroécologique », répond Delwendé Toulgo, directeur provincial de l’agriculture du Nahouri.
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Selon lui, la certification des semences prend souvent du temps du fait du protocole rigoureux à suivre. « Par exemple, si vous prenez des semences avec un taux d’humidité élevé pour les certifications, on peut les rejeter. Il faut une période pour que les semences puissent sécher pour obtenir la certification », explique-t-il.
Il appelle les agriculteurs à prendre les dispositions pour ne pas dépendre uniquement du ministère en charge de l’agriculture. « Nous leur demandons d’acquérir déjà les semences et de bien les conserver dans des bidons en les laissant sécher pendant au moins trois mois », conseille-t-il.
Malgré l’inquiétude des agriculteurs, Toulgo Delwendé se veut rassurant sur la campagne agricole dans le Nahouri. Selon lui, les pluies seront suffisantes dans cette partie du Burkina Faso.
Boukari Ouédraogo