Des taxis atypiques. Garés, ils paraissent hors d’usage. Des épaves bonnes pour la casse. Mais à Bama, localité située à une trentaine de 30 km de Bobo, ces Peugeot 504 et 505 d’un autre temps ont une seconde vie. Transportant souvent jusqu’à plus de 2 tonnes de marchandises et des passagers, les taxi-Bama qui fonctionnement au gaz, déambulent quotidiennement sur l’axe Bama-Bobo en résistant au temps.
Un poussif vrombissement, et la vieille Peugeot de Iliasse Tapsoba se gare. Les quelques passagers débarquent et le jeune conducteur prend un temps de répit en attendant la prochaine course. Il vient d’arriver de la ville de Bobo, distante d’une trentaine de 30 km. Il y a moins d’un an que Iliasse est conducteur à temps plein de ce véhicule, communément appelé ‘’Taxi-Bama’’, mais en réalité, il connait les rouages de ce métier depuis longtemps.
« Quand j’étais encore sur les bancs, c’est grâce à ce métier que je payais ma scolarité, c’était mon travail de vacances. J’ai même eu le BEPC, mais je n’ai pas fait la seconde. J’ai abandonné l’école parce que je voulais devenir militaire, je fais donc ce métier en attendant. Depuis la classe de 6e je travaillais comme apprenti», nous explique-t-il, la main posée délicatement sur son véhicule.
Du matin au soir, Iliassa conduit son taxi atypique entre Bama et Bobo et dans le sens inverse. Comme les autres chauffeurs, en plus des passagers, il embarque des marchandises diverses. Notamment des fruits et légumes. En attendant de devenir militaire comme il le souhaite, c’est à bord de cette épave roulante que le jeune passe l’essentielle de sa journée pour subvenir à ses besoins.
Un taxi hors du commun
Assis dans une maisonnette qui fait office du siège local du syndicat des transporteurs routiers du Burkina, Ouédraogo Boubacar devise avec ses camarades. Il est propriétaire d’un ‘’Taxi-Bama’’. Anciennement conducteur, il a passé la main à un autre jeune. Dans ce quartier général des taxis particuliers, le visiteur occasionnel est vite attiré par l’uniformité des véhicules : ils sont tous vieux, de la même marque, rafistolés.
Où les propriétaires arrivent-ils à dégoter ces engins d’un autre âge ? La question fait sourire Boubacar avant qu’il ne réponde : « On voit souvent des véhicules garés à dans les cours, à Bobo, Ouaga, ou dans les villages. Des carcasses hors d’usage. Nous manifestons notre intérêt, discutons avec le propriétaire et on s’entend sur le prix. Ensuite, on cherche des soudeurs pour l’arranger ».
Un risque minimisé
Les Taxi-Bama ne connaissent pas de contrôle technique. C’est pour la simple raison qu’ils roulent avec du gaz, une pratique officiellement interdite au Burkina. Mais selon Boubacar Ouédraogo, les taximen de Bama ne peuvent procéder autrement.
« Franchement on ne peut pas travailler avec de l’essence. Si on s’amuse, on va garer le véhicule simplement, c’est intenable. Il n’y a pas de marchés. Si tu mets du carburant, 7 000 FCFA tu peux aller certes à Bobo, mais ce n’est pas évident que tu reviennes à Bama. Ça va te lâcher en route. Par contre avec la petite bouteille de gaz à 2000 FCFA, tu peux aller et revenir », se justifie-t-il.
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Une pratique dangereuse, mais pour les conducteurs tout va bien jusque là. Ils affirment d’avoir pas encore eu de problème à cause de l’utilisation du gaz. «On prie Dieu pour qu’il nous épargne d’un éventuel drame. Depuis que nous menons cette activité, nous n’avons pas eu de problème. Pourtant je suis dans cette activité depuis 15 ans », rassure Boubacar.
Installée à l’arrière d’un taxi et en partance pour Bobo, Guiré Salimata est une fidèle cliente. Pour elle, « Taxi Bama » dépanne bien d’habitants de la localité. « Si vous voyez que je suis dans ce véhicule, c’est parce qu’il m’aide beaucoup. Lorsque nous avons des bagages qui sont assez loin, ces véhicules nous aident à les transporter. Ça nous évite donc les nombreux déplacements« , dit-elle avant de préciser qu’elle est à Bama depuis 11 ans et « Taxi-Bama » est son principal moyen de transport qu’elle trouve également moins cher. 500 F CFA pour rallier Bobo et 500 F CFA par sac transporté.
Depuis quelques années, la Société de transport en commun (SOTRACO), dessert la commune le Bama. Un concurrent qui a grignoté les parts de marché des conducteurs de taxi qui ruminent leur mécontentement. « L’arrivée du bus aussi a freiné notre activité. Le bénéfice n’est pas très grand, mais comment on va faire, il n’y a pas de travail », soupire Iliassa qui ajoute également les frais de péage qu’il faut payer à l’aller comme au retour de bobo. Mais ne transportant pas de marchandises, la SOTRACO laisse une opportunité pour les »taxi Bama » qui chargent souvent sur leur véhicule plus de deux tonnes de marchandises.
Tiga Cheick Sawadogo