Sur le plateau de Ya’Débat cette semaine, les invités sont divisés sur la manière de couvrir les actes terroristes. Entre attendre les communiqués officiels du gouvernement qui prennent du temps, et se fier aux sources qui peuvent s’avérer inexactes, les journalistes et les régulateurs ne s’accordent pas.
Fatou Souratié, enseignante et activiste prend le pouls de l’actualité sur les réseaux sociaux chaque matin. Elle va ensuite confirmer ce qu’elle a lu sur les médias professionnels. C’est ce qu’elle fit dans la matinée du 5 juin, quand elle a vu la nouvelle de l’attaque de Solhan. « Sur les réseaux sociaux, on n’a aucune garantie que l’information qu’on reçoit est vérifiée », reconnait-elle, d’où son recours aux médias classiques. Mais, elle regrette que cette dernière source aussi ne soit plus totalement sûre au regard de ce qu’elle a diffusé et qui s’est avéré faux par la suite.
Le journaliste et secrétaire général de l’association des journalistes du Burkina (AJB), Boukari Ouoba reconnait effectivement qu’une fausse information donnée par un média peut créer un précédent, de la méfiance, une crise de confiance avec le public. « Pendant les événements de Solhan, il n’a pas été facile pour les journalistes de collecter les informations », ajoute Bourkari qui insiste pour dire que ces dernières années, les journalistes ont du mal à faire tout travail en lien avec les questions militaires et sécuritaires.
Abdoulaye Dao, directeur de l’instruction des plaintes et des études du conseil supérieur de la communication reconnait que le travail du journaliste est difficile dans ce contexte sécuritaire. Par contre, il regrette que les médias n’aient pas vérifié l’information sur les évènements récents avant de les publier. « De façon générale, on a retenu que la plupart des médias se sont basés sur les réseaux sociaux », dit-il, faisant référence à un éventuel deuxième passage des terroristes à Solhan et à l’attaque supposée d’un bus entre Sebba et Dori. Le régulateur qu’il est pointe du doigt les journalistes qui n’auraient pas recoupé les informations qu’ils ont vues sur les réseaux sociaux.
Boukari Ouoba n’est pas d’accord. « Faire les recoupements c’est une démarche, mais cela ne veut pas dire qu’après avoir recoupé, on ne peut pas se tromper. Je peux même appeler dix sources qui vont me dire quelque chose qui peut s’avérer fausse », martèle le secrétaire général de l’AJB qui indexe le contexte qui a contribué aux dérapages constatés : la lenteur du gouvernement à communiquer, laissant libre cours à la propagation des rumeurs.
L’ombre du nouveau code pénal ?
Fatou Souratié estime que le nouveau code pénal est à l’origine de ces dérapages. Elle soutient qu’avec ce texte, les journalistes ne sont plus libres. « Si le journaliste a accès à l’information, la façon de traiter cette information sera différente que quand il n’a pas accès à l’information. En cas d’attaque, on a l’habitude de prendre beaucoup de temps avant de nous donner l’information par le canal du gouvernement, du coup chacun va à la recherche de l’information », explique l’activiste.
Ce point de vue est partagé par Boukari Ouoba. Pour lui, la seule source crédible et sûre pour le journaliste, ce sont ses yeux, mais le nouveau code pénal est une barrière. « Le nouveau code dit que sans autorisation, un journaliste ne peut se rendre sur le site, sauf si vous êtes embarqué par l’armée ou par le gouvernement. Nous avons dénoncé et nous allons continuer à dénoncer ce code pénal parce que c’est attentatoire à la liberté d’expression, à la liberté de la presse », dit-il.
Abdoulaye Dao est convaincu que quand les médias sont professionnels, c’est à l’avantage de tout le monde. Pour cela, il estime que la bonne manière de communiquer sur les actes terroristes, c’est de dire la vérité, mais aussi de juger de son opportunité même quand elle est vraie. « La population a besoin d’une infirmation qui est vraie, fondée », conclu pour sa part Fatou Souratié.
L’intégralité de Ya’Débat sera diffusé ce 12 juin dans le grand débat à 9h sur l’ensemble des radios partenaires.