Les étudiants Burkinabè n’ont pas manifesté d’hostilité à la venue à l’université de l’homme politique français Jean-Luc Mélenchon. Dans une salle comble dans la soirée du 21 juillet, le premier responsable de la France insoumise a tenu une conférence publique. Par contre en 2017, ces étudiants avaient violement manifesté contre la venue du président Emmanuel Macron, créant à l’occasion des échauffourées.
Autant il avait violement manifesté contre la venue de Emmanuel Macron à l’université en 2017, autant il était là cette fois, sagement installé pour écouter un autre homme politique français, n’hésitant pas à l’applaudir. Mouhyddine Ouédraogo estime que les deux hommes politiques français, au-delà de leurs rangs, n’ont pas eu la même approche en venant voir les étudiants. « Avec Macron, on a voulu filtrer les gens, ça a manqué d’élégance, ce qui a frustré les étudiants, mais ici, les gens entrent et sortent comme ils veulent. Dans la façon de faire aussi, il y a une différence. Mélenchon dit qu’il vient apprendre des Burkinabè, mais Macron vient dicter une nouvelle politique », analyse le jeune étudiant.
Imhotep Serges Bayala, lui, était carrément dans la rue le 28 novembre 2017. Entre course poursuite avec les Forces de défense et de sécurité et incendie de pneus sur la voie publique, il manifestait ainsi son opposition à la venue du président français à l’université. Mais cette fois, il était là dans la salle. Mieux, dans le comité d’organisation pour la conférence publique de Mélenchon.
« Les étudiants ont cette capacité critique pour faire le discernement entre leurs alliés et ceux qui ne peuvent être leurs alliés (…) les étudiants ne peuvent éprouver de l’amour pour nos bourreaux. Cette hostilité pour la venue de Macron a été affichée violement par les étudiants parce qu’ils comprenaient les enjeux, l’hypocrisie avec laquelle Macron voulait couvrir la France-Afrique », explique-t-il. Les étudiants ne sont pas contre le peuple français, mais plutôt contre la « politique criminelle de la France en Afrique, portée par ses premiers responsables », insiste-t-il.
Avec le leader de la France insoumise, les étudiants ont une convergence de vision sur certains sujets, poursuit Imhotep Serges Bayala. Notamment en termes de combat anti-impérialiste. « La France est sous l’impérialisme américain, cela les exacerbe, tout comme nous sommes sous l’impérialisme français que nous rejetons de toutes nos forces », note Imhotep Bayala.
Pas d’accord pour autant…
Les étudiants n’ont certes pas manifesté contre la venue de Jean-Luc Mélenchon à l’université. Ils se sont même mobilisés grandement. Mais d’autres avouent observer de la distance. « Pour dire vrai, la présence de Macron et celle de Mélenchon ici ont un même objectif. Mélenchon est venu promouvoir la langue française. Il est venu étudier la conscience de la jeunesse estudiantine pour mieux adapter la politique française en Afrique », penche Adolphe Moussa Kaboré pour qui l’avenir de la francophonie dont a parlé le conférencier « est un avenir français et non un avenir franco-africain ».
Même analyse pour Amara Koné. « Il parle de néo colonialisme, mais lui-même ne remet pas en cause le fait que notre pays soit toujours dominé par la France ». Normal que Mélenchon défende les intérêts de son pays qu’il aspire diriger clame pour sa part Imhotep Serges Bayala. Mais pour lui, on peut défendre les intérêts de son pays, sans déshumaniser et piller d’autres peuples.
Au demeurant, des étudiants préviennent que si l’opposant français revient au Burkina avec la casquette de président et change sa façon de voir, il risque le même accueil que celui de Macron. « S’il revient en abandonnant la conscience et les idées qu’il a partagées, il ne sera pas la bienvenue et n’aura certainement pas l’avantage qu’a eu Macron d’atterrir au Burkina », prévient Imhotep Serges Bayala.