Ils vivent entre trois pays, dans un rayon de quelques kilomètres. Des jeunes de Cinkansé, commune de la région du Centre-Est ont la particularité de vivre entre le Burkina, le Togo et le Ghana. Dans ce melting pot, ils ont presqu’effacé des frontières en se mariant et en travaillant ensemble.
Halidou Zampaligré, la trentaine, vient de finir ses ablutions et s’apprête à faire sa prière de la mi-journée. Le jeune déclarant en douane dans quelques minutes va quitter le Burkina pour se rendre au Togo situé à quelques pas de là. Il travaille entre les deux frontières. « Je passe ma journée entre deux pays. Certains jours, je fais des aller-retour au moins 10 à 15 fois entre les deux pays. C’est ce que je fais depuis plus de 10 ans », dit-il.
Halidou fait passer des véhicules du Togo au Burkina. « Quand je me lève le matin à 6 h, je passe à la douane togolaise pour récupérer les papiers des véhicules que je fais entrer sur le territoire burkinabè. Je le fais jusqu’à la fermeture des frontières à 18h », ajoute-t-il.
Des mariages internationaux
Burkinabè, ses amis et collaborateurs sont de l’autre côté de la frontière. Quand il ne travaille pas, il passe ses journées dans son « deuxième pays », le Togo. C’est d’ailleurs là-bas qu’il dit se ravitailler en certains produits. « Par exemple, le carburant au Burkina est cher, donc c’est au Togo que nous nous approvisionnons. Il y a une différence d’au moins 100 à 125f », argue-t-il.
Pour Elie Diessongo, conseiller villageois de développement, les jeunes ne s’encombrent pas vraiment des frontières. « Le Ghana est à environ 3 km d’ici. On se fréquente beaucoup. On a beaucoup de nos jeunes là-bas et eux aussi ont des jeunes ici. Nos filles se marient à leurs garçons, nos garçons se marient à leurs filles. Nous célébrons régulièrement des mariages entre nous », explique Elie.
Se confondre dans la diversité
Des habitants de Cinkansé scolarisent leurs enfants en territoire étranger pour bénéficier de certains avantages dans les pays voisins. « Nous préférons inscrire nos enfants au Togo. La scolarité est chère au Burkina, nous n’arrivons pas à supporter. Pourtant au Togo, la scolarité ne dépasse pas 6000 F CFA, au Burkina ce n’est pas moins de 80 000 F », témoigne Elie.
De nationalité ghanéenne, Marguerite Toboga vend du pain à la sortie du bureau de douane de Cinkansé. Originaire de Bolgatanga au Ghana, elle avoue qu’après avoir passée plusieurs décennies côté Burkina, quand elle retourne au Ghana, elle est considérée comme une burkinabè. « Lorsque je pars au Ghana, les gens détectent facilement que je suis du Burkina à cause de mon style vestimentaire. Quand on me dit cela, j’accepte parce que lorsque tu pars dans une localité, c’est bon d’adopter le style de vie des résidents », déclare-t-elle toute hilare.
Renforcer la cohésion entre les frontières
Tanko Zampaligré est le représentant des jeunes de Cinkansé. Pour lui, c’est une chance pour les jeunes de vivre entre trois pays. « Nous organisons souvent des tournois de solidarité inter-frontières entre les jeunes des trois pays. C’est pour promouvoir la cohésion, la solidarité, le vivre-ensemble. Souvent, ils viennent solliciter nos joueurs pour constituer une équipe et aller participer à des tournois », nous apprend-t-il.
Commerçants pour l’essentiel, les jeunes des trois frontières regrettent par contre la fermeture prolongée des frontières qui impactent leurs activités.