Taillée dans la latérite, enfouie dans une colline, elle suscite émerveillement et curiosité. Originale, ingénieuse, la grotte militaire de Diébougou garde intacts ses mystères, faute d’études scientifiques jusque-là. Entre le colon qui l’aurait fait ériger pour se protéger des populations locales réticentes à sa présence, et les populations locales qui l’auraient conçu comme moyen de résistance à l’envahisseur, les hypothèses aussi mystérieuses que la grotte elle-même foisonnent autour de cette infrastructure antique.
Sac en cuir en bandoulière, Youssef Konaté avance de galerie en galerie dans cette forteresse dont il connait tous les recoins. Depuis 10 ans, il écume ces lieux pour expliquer et commenter les composantes de « guerre –dingê » (Ndlr. le trou de guerre, en dioula). Sacré meilleur guide de la région du Sud-Ouest en 2016, Youssef répète sans cesse un regret qui sonne en même temps comme un plaidoyer resté sans suite jusque-là.
Appel aux experts
« La grotte n’a jamais fait l’objet d’études. Elle mérite d’être étudiée. Je lance vraiment un appel aux historiens, aux scientifiques et aux archéologues. Une grotte de cette nature ne peut se trouver ici sans qu’on ne connaisse son histoire. Jusqu’à ce jour, personne n’a pu nous dire celui qui l’a creusé et en quelle année. Cela veut dire qu’il faut continuer à chercher », proteste Youssef pour qui, il faut une explication scientifique de la grotte militaire, afin que les jeunes aient une vérité rationnelle.
« Si nos enfants nous posent des questions sur cette grotte, on ne pourra rien dire. Il faut étudier la grotte pour en connaître l’histoire exacte afin de la transmettre à la jeune génération», poursuit-il dans les labyrinthes de cette enseigne creusée dans une colline à environ quarante (40) mètres du sol.
Une grotte, plusieurs hypothèses
En attendant les travaux des chercheurs, les traditions orales avancent plusieurs hypothèses. La grotte militaire de Diébougou aurait été creusée par les peuples du rameau Lobi (Djan, Dagara, Lobi, Pougouli, Birifor …) sous instigation du colon français. Ce dernier ne se sentant pas en sécurité dans la région, force les populations locales à creuser ces galeries dans la colline.
Les occupants en font alors une forteresse imprenable pour protéger notamment les officiers français. D’autres sources indiquent que c’est pendant la première guerre mondiale que l’armée coloniale française l’a érigée pour se protéger contre une éventuelle attaque de l’armée allemande.
« Il y a une légende qui dit qu’elle a été faite par nos ancêtres pendant la colonisation, lors des travaux forcés. Dire que c’est le colon qui a fait faire revient à dire que la grotte est récente. Ce n’est pas exact. On a connu et interrogé des gens qui ont connu les travaux forcés. Mais personne n’a parlé de cette grotte », indique pour sa part Youssef Konaté, qui émet ainsi une autre hypothèse : celle d’une initiative des peuples autochtones, en toute liberté pour se protéger contre l’envahisseur étranger.
Intéresser les jeunes à leur patrimoine
Quoi qu’il en soit, l’architecture de cette grotte témoigne de l’ingéniosité et de la bravoure de ceux qui l’ont conçue, à la main, avec des outils rudimentaires. Youssef Konaté à travers une association qui promeut le tourisme interne, s’investit à amener les jeunes de la localité à visiter le site. « Cette année nous avons mis l’accent sur la jeunesse. On a créé des occasions pour que les jeunes viennent ici. Chaque année, nous travaillons à faire venir le maximum d’élèves de la ville ici », dit-il.
C’est une manière selon lui, d’amener les jeunes à se connaître, à être fier de leur histoire, de leurs ancêtre ingénieux. « Nous voulons permettre aux jeunes de se réapproprier leur histoire. On a tendance à croire que c’est l’histoire des autres qui est bonne, alors que nous avons aussi notre histoire », ajoute le guide.