Au barrage de Tanghin, un quartier de Ouagadougou, les jeunes pêcheurs s’inquiètent de l’ensablement continue de la retenue d’eau. Les prises ont considérablement diminué et leur activité de pêche est menacée. Les sachets plastiques, les activités sur le lit du barrage et la jacinthe d’eau bouchent l’infrastructure qui étouffe.
De sa pirogue de fortune, Salam Ouédraogo descend, aidé par un long bois qui lui sert de pagaie. L’air fatigué, la culotte dégoulinant encore d’eau, le jeune pêcheur trimballe un sachet blanc contenant du poisson. Avez-vous eu du poisson, lui demandons-nous. « Regarde les herbes dans le barrage, qu’est-ce qu’on peut avoir dans ça ? », nous rétorque-t-il vaguement, comme une complainte.
Comme s’il l’attendait, Salam nous fait le diagnostic du barrage visiblement malade. « Des canaux d’évacuation déversent des quantités importantes de sachets dans le barrage. On arrache la jacinthe d’eau, mais juste pour la déposer sur le lit du barrage et la pluie revient ramener le tout dans l’eau. Ceux qui font le jardinage envoient de la terre enrichie dans le barrage pendant la saison sèche. Comment ça peut ne pas se boucher ?», dit-il, à haute voix, pendant que ses camarades pêcheurs acquiescent de la tête.
Disparition de certaines variétés de poissons
Salam dit subir les conséquences de l’ensablement continue du barrage qui selon lui, est sa source de revenus depuis une dizaine d’années. « Avant je rentrais avec 15 000 à 20 000 F CFA. Franchement actuellement c’est difficile de vendre pour 2000 FCFA. Les sachets étouffent les poissons, souvent on voit des poissons se débattre dans les sachets, jusqu’à crever », ajoute-t-il.
Son constat est confirmé par Mathias Simporé, un autre jeune pêcheur assis sous un arbre aux abords du barrage. Le sachet plastique est leur ennemi commun, mais pas seulement. « Quand il pleut, certains sortent avec de vieux matelas, des objets divers pour jeter dans les caniveaux qui les conduisent jusque dans le barrage. C’est tout ça qui provoque l’ensablement. Pendant la saison sèche, quand il n’y a pas d’eau, on peut creuser à 5 mètres et trouver des sachets. Les sachets ne pourrissent pas », dit-il.
Plus âgé, Issa Diallo Issa pêcher dans le barrage depuis près de 40 ans. Témoin oculaire du barrage d’hier à aujourd’hui, il note que certaines espèces de poisson ont même disparu du barrage à cause de la qualité et de la quantité de l’eau. « Il y avait plusieurs espèces de poissons dans ce barrage. Mais certains ne peuvent pas vivre dans des eaux sales. Le capitaine, la sardine ont disparu. Avant ce sont des vrais poissons qu’on pêchait. Mais depuis, il n’y a que de petits poissons », renchérit-il.
Curer et sévir
Non loin du goudron, un groupe de femmes écaillent de petites carpes. Fatimata Zidouemba qui autrefois accompagnait sa mère en ces lieux est devenue elle aussi une acheteuse. Elle remarque aussi que les temps ont bien changé. « J’achète du poisson depuis des années. Avant il y avait du poisson, plus maintenant. Le barrage n’est plus profond. Avant quand on venait, on prenait souvent 35 kg, voire plus. Il y en avait et c’était des gros poissons. Mais actuellement, avoir même 7 Kg, c’est un exploit », constate l’acheteuse.
Outre les pêcheurs, les pépiniéristes, les jardiniers également se plaignent de l’ensablement du barrage qui provoque son assèchement précoce. Salam et ses camarades souhaitent que les autorités procèdent au curage du barrage pour lui redonner son souffle d’antan. Mathias lui estime qu’il faudra plus que le curage. « Il ne suffira pas seulement d’arranger, il faudra sévir contre toutes ces populations qui déversent des ordures de toutes sortes, surtout des sachets dans le barrage. ça rime avec de la méchanceté », soutient-il.