Au Burkina, des centaines de cas de femmes victimes de fistules obstétricales sont enregistrées chaque année. Dans cet entretien accordé à Studio Yafa, Dr Moussa Guiro chirurgien à l’hôpital Saint Camille de Ouagadougou, rassure. La fistule obstétricale se soigne efficacement au Burkina. Interview.
Qu’est-ce que la fistule obstétricale ?
La fistule obstétricale est une complication de l’accouchement qui n’a pas été pris en charge correctement par une personne qualifiée. Elle se traduit par une incontinence, une perte involontaire des urines ou des selles ou des 2 à la fois. C’est une complication qui survient lors de l’accouchement et qui entraîne une communication entre la vessie et le vagin ou entre le rectum et le vagin ou les 2 à la fois. Cela a de grandes conséquences sur la vie des femmes lorsqu’elles subissent ce type de complications.
Comment survient une fistule ?
Lors de l’accouchement, il y a des moments où le travail est prolongé. Prolongé du fait que le bassin de la femme et la tête du bébé n’ont pas une bonne proportionnalité et il y a un blocage. Et le blocage va faire que tous les tissus mous vont être comprimés entre la tête du bébé et qui sont dans le bassin de la maman et en ce moment le sang ne pourra plus circuler. Et ces tissus vont par la suite se nécroser (mourir) et laisser un trou et c’est ce trou qu’on appelle fistule. Plus la femme est jeune, plus l’accouchement va trainer et elle a des risques d’avoir une fistule. C’est pourquoi dans la lutte pour la prévention de la fistule, on préconise qu’on retarde l’âge de la grossesse.
Quelles sont les conséquences pour les malades?
Vous savez, on parle beaucoup de la fistule parce que c’est une pathologie qui a des répercussions médicales, sociales et économiques. Et c’est pour cela qu’il faut de l’aide aux victimes. Au niveau médical, quand la femme a la fistule, le fait que les urines coulent de façon permanente, elle va avoir des infections puisque la vessie est ouverte sur le vagin où il y a parfois des germes, donc il y aura des infections au niveau urinaire, des infections génitales, des infections digestives qui peuvent même entrainer la mort. Et il y a aussi les conséquences psycho-sociales qui sont les plus importantes dans cette maladie parce que la femme qui a la fistule est rejetée, par son mari, par sa communauté. Parfois c’est la maman qui se retrouve seule avec son enfant. Le fait d’être isolée, stigmatisée, fait qu’elle est déprimée et parfois même il y a des tentatives de suicide. Une bonne partie des femmes que nous recevons ici (NDLR Hôpital de St Camille) ont déjà tenté de se suicider. Il y a des conséquences économiques. A cause des odeurs, les femmes souffrant de fistules ne peuvent plus mener d’activités génératrices de revenus. Au village la seule activité qu’elles peuvent mener, c’est les travaux champêtres ou la mendicité.
Est-ce que la fistule obstétricale se traite ?
Quand la fistule survient, dès les premiers instants si nous sommes informés, on essaie un traitement médical qui normalement au bout de 2-3 semaines si c’est une petite fistule, le traitement médical permet de corriger cela. Mais en dehors de ça il n’y a que la chirurgie pour traiter la fistule.
Comment prévenir cette pathologie ?
La fistule survient dans un contexte de pauvreté et de faible niveau de vie de la population. Ça survient très souvent dans les pays en développement. Dans les pays développés, vous avez très peu de fistules sinon même qu’il n’y a pas de fistule sous cette forme. Donc dans un premier temps il faut relever le niveau de la population, il faut que toutes les grossesses soient suivies et les accouchements doivent être effectués par un personnel qualifié. Il faut aussi que les structures de santé soient proches des populations même si elles ne le sont pas, qu’on puisse avoir des ambulances pour évacuer les femmes.
Combien de femmes sont concernées par la fistule au Burkina ?
Ce qu’on sait, c’est qu’actuellement il y a chaque année environ 900 nouvelles patientes qui sont enregistrées. Et nous n’arrivons pas à opérer ces 900 nouveaux cas car notre capacité de prise en charge ne le permet pas. Ce qui veut dire que chaque année, il y a un surplus de femmes qui reste à opérer. C’est pourquoi au niveau du ministère de la santé, on est en train de décentraliser la prise en charge de la fistule pour que toutes les femmes aient accès à la chirurgie.