A Ouaga, sur les traces de Thomas Sankara (3/4). A l’endroit où le capitaine a été enterré le 15 octobre 1987, il ne reste rien.
Il n’y a rien d’autre que des chats sauvages et une chèvre rachitique qui gambadent dans l’allée, au milieu des herbes folles. Parmi les sépultures du cimetière de Dagnoën, où Thomas Sankara fut enterré dans la nuit du 15 octobre 1987, il ne reste aucune trace du célèbre capitaine burkinabè.
Trouver la tombe du « Ché » africain est une bataille. Après chaque pas, c’est un questionnement. Où était enterré le président révolutionnaire ? Difficile de se situer dans ce dédale d’herbes de plus d’un mètre de haut. Très vite, on se perd. Plus on avance, plus les herbes sèches craquent sous les pas. Des sachets plastiques salissent ce lieu de recueillement. Soudain, un homme surgit sur sa bicyclette : « où se trouvait la tombe de Thomas Sankara ? » D’une voix lente, il répond : « C’était par là, mais il n’y a plus rien ! »
Lire aussi :Au Conseil de l’entente, une fin tragique et un mystère – Studio Yafa – Information & Dialogue au Burkina Faso
En fin d’après-midi du 15 octobre 1987 au Conseil de l’entente et dans des conditions qu’un procès à la Cour militaire tente actuellement d’élucider, Thomas Sankara est assassiné par un commando de soldats. Il git à terre avec douze de ses compagnons dans une mare de sang. Que faire des cadavres ? Le soir même, une vingtaine de personnes incarcérées à la maison correctionnelle de Ouagadougou sont emmenées au cimetière de Dagnoën. Ordre leur est donné de creuser à la va-vite et sous une fine couche de terre dix tombes. Parmi elles, légèrement à l’écart, celle de Thomas Sankara.
Bako Bazoumbié, âgé d’une vingtaine d’années à l’époque, se rappelle de tout. En voisin, il s’est rendu sur place dès le lendemain avec un copain. Ce qu’il a vu n’honorait pas la mémoire du président : « Ce n’était pas une tombe ! », juste un lieu anonyme, indigne d’un « président qui a fait plus que tous les autres pour son pays. »
Les restes du capitaine
En mai 2015, soit deux mois après l’ouverture de l’enquête menée par le tribunal militaire, les restes du capitaine ont été exhumés dans le cadre d’une instruction judiciaire et à des fins d’expertise ADN. Mais le laboratoire espagnol de l’Institut de médecine légale de l’université de Santiago, chargé d’une contre-expertise, a fait savoir « qu’aucun profil génétique n’avait pu être défini » sur les présumés restes du héros de la révolution.
Les prélèvements n’ont donc permis ni de confirmer ni d’infirmer scientifiquement que cette dépouille était bien la sienne. « La première expertise avait conclu aux mêmes résultats. De ce que nous avons compris, l’échec des tests ADN est lié aux conditions dans lesquelles le corps a été conservé », avait déclaré Me Ambroise Farama, l’un des avocats de la famille Sankara. Il y a des éléments physiques qui ont toutefois permis aux familles d’identifier la dépouille. Les vêtements retrouvés dans la tombe, par exemple. Leur identification était formelle. La présence d’impacts de balles au niveau des aisselles permettrait aussi de dire qu’il a été fauché par la mort en levant les bras.
Aujourd’hui, l’herbe a recouvert le sol et effacé toutes les traces de cette sinistre nuit du 15 octobre 1987. Sur la porte d’entrée du cimetière pourtant, il y a une plaque au message univoque : « Honorons la mémoire de nos devanciers ».
Faride Boureima