La poussière, la fumée des engins, le brûlage des pneus, les déchets rejetés par les industries. Autant de facteurs qui rendent l’air impropre à la respiration dans la ville de Ouagadougou, capitale des deux roues.
12h sur l’avenue Yennenga à Ouagadougou. Une voie non bitumée d’environ cinq cent (500) mètres en plein centre de la ville, non loin du grand marché, Rood-woko. Difficile de se frayer un passage entre les véhicules et les engins à deux roues. Un épais nuage de poussière et de fumée que les riverains respirent toute la journée. Abdoulaye Banga, vendeur de téléphones portables aux abords de cette route non revêtue s’inquiète pour sa santé.
«La poussière qui se dégage ici à l’avenue yennenga a engendré des conséquences sanitaires dans nos vies, plusieurs personnes sont tombées malades à cause de cette poussière. J’avais même le rhume. Cette poussière nous fatigue trop avec les maladies » déplore le jeune commerçant.
Zone industrielle, zone de pollution
Ailleurs, l’air n’est point meilleur. Kossodo, quartier situé au nord-est de la ville de Ouagadougou. Il est réputé abrité une multitude de sociétés industrielles. En cette matinée du 10 novembre 2023, nous sommes accueillis sur les lieux par de vibrants et stridents bruits. Des odeurs nauséabondes rebutent les nouveaux visiteurs que nous sommes. C’est pourtant le quotidien des riverains. Pour eux, c’est la croix et la bannière. Romuald Nacoulma habite là, dans ce mélange de mauvaises odeurs, de poussières et de fumées.
«Les usines de productions du ciment qui sont juste à côté, vraiment c’est la poussière qui va nous tuer(…) A vrai dire, leur activité nous fatigue beaucoup», soupire-t-il, visiblement impuissant. En désespoir de cause et pour atténuer les effets à sa manière, Romuald dit boire du lait permanemment: « si on fait une semaine sans boire le lait, la gorge devient sèche ».
Quand l’homme suffoque…
La fumée, les gaz d’échappement, le brûlage des pneus et des déchets rejetés par les industries ne sont pas sans impact sur la vie humaine. Le Professeur Georges Ouédraogo est coordonnateur de l’unité de sevrage tabagique du Centre hospitalier universitaire Yalgado Ouédraogo (CHU-YO). Il explique que des travaux scientifiques ont établi le lien entre des polluants et la santé respiratoire lors des pics de pollution.
Il diagnostique que : « Cette exposition chronique va entraîner une augmentation des cas de décès donc la mortalité totale par maladies cardiorespiratoires est augmenté. Et il y a aussi la survenue de certains cancers bronchiques, surtout ça, je le signale parce qu’il y a une réduction de la croissance du poumon chez l’enfant exposé à la pollution atmosphérique ».
Dans les services de santé, le nombre de consultation pour raison de maladies cardiorespiratoires dues en grande partie à la pollution de l’air se multiplie chaque année. C’est ce que confirme le coordonnateur de l’unité de sevrage tabagique du CHU-YO.
« Plus d’un million de personnes ont consulté dans les différents centres de santé du Burkina Faso pour des maladies respiratoires notamment touchant les bronches essentiellement donc les bronchites, l’asthme et aussi des atteintes qui concernent les poumons ce qu’on appelle les bronchopneumonies », constate-t-il.
Au-delà de la norme de l’OMS
Dr Bernard Nana est maitre-assistant en physique. Avec un groupe de chercheurs de l’université Joseph Ki-Zerbo et de Columbia aux Etats Unis, il a participé à une étude sur « la surveillance spatio-temporelle de la pollution de l’air due aux particules en suspension par les capteurs à faible coût au Burkina ».
Menée sur un an, sur 19 sites dans la capitale et dans d’autres provinces, les conclusions de l’étude sont sans appel. A Ouaga, les concentrations journalières en polluants varient en moyennes entre 17 à 36 microgrammes par mètre cube. C’est bien au-delà de la norme de l’OMS qui est de 15 microgrammes par mètre cube.
La pollution, facteur de changement climatique
De la pollution, les hommes en souffrent, l’environnement également. Dr Bernard Nana le confirme : « La pollution est à l’origine du changement climatique, les oxydes d’azotes et l’ozone sont des précurseurs des gaz à effet de serre et les gaz à effet de serre provoquent le changement climatique ».
Le gouvernement burkinabè commémore chaque année une journée à faibles émission de Carbonne. La 11e édition qui a eu lieu le 13 novembre dernier était sous le thème : « Quelles contributions face à la triple crise planétaire environnementale ? ». A l’occasion, l’exécutif a invité les populations à observer dix engagements en vue d’améliorer la qualité de l’air dans l’atmosphère. Ne pas utiliser des engins polluants, privilégier les transports en commun pour les déplacements, cesser le brûlage des déchets en plein air…ce sont entre autres les recommandations du gouvernement.
En plus de cela, Dr Bernard Nana préconise l’amélioration de la qualité du carburant qui selon lui, contient une importante quantité de souffre. Par ailleurs, pour le chercheur, il faut éviter le brûlage des pneus, bitumer les voies et encourager les ménages à utiliser le gaz butane.
En attendant que ces mesures purifient le ciel Ouagalais et rendent l’air moins nocif, la capitale Burkinabè continue de s’agrandir. La capitale compte plus de 3 millions d’habitants dont le principal moyen de transport demeure la mobylette. Selon le dernier recensement général de la population en 2019, 75,9% des ménages de la région du centre dont Ouagadougou, possédait au moins une mobylette.
Gwladys Alida Ouédraogo (Stagiaire)