Le commerce aux petits marchés (PM) dans les écoles constitue une source de revenus pour les femmes qui en ont fait leur activité. Il est aussi d’un secours pour de nombreux enfants obligés, du fait de la distance de leurs domiciles, de quitter la maison tôt et de ne rentrer que le soir. Et quand ils restent, les femmes du PM deviennent les mères nourricières.
9h55 ! Lycée Ephata. Une sirène retentit. Les élèves se précipitent hors de la classe, les enseignants aussi. Certains se dirigent vers un site où sont attroupées des vendeuses. C’est le petit marché. Dans ce petit marché, des femmes sont assises, chacune devant ses marchandises. Du pain, des gâteaux, des jus, de l’eau, des arachides, des bonbons et des chewing-gums etc. sont proposés.
Les vendeuses de gâteaux et de sandwiches semblent attirer le plus de monde. En tenue scolaire, chaque enfant, son argent en main, qui un billet, qui des jetons, lance sa commande, dans un brouhaha total, à embrouiller la vendeuse. « Les matins, c’est coincé comme ça, trop de monde ! », relève avec satisfaction Félicienne Ouédraogo, vendeuse devant le lycée Ephata.
A écouter aussi: Cantines scolaire : les élèves de Léo dans l’angoisse
Pour la plupart des élèves, ce qui est acheté au petit marché de l’école est mangé en lieu et place du petit déjeuner. Certains reviennent à midi pour le déjeuner.
Parmi eux, Oriana Sawadogo, élève en classe de 6e. Comme à son habitude, elle achète ce qu’on appelle communément ici, le « pain bro», du pain et des brochettes à 150 francs CFA. C’est aussi son petit déjeuner. Ce n’est pas le cas de Cédric Dah, élève dans la même classe. Il prend d’habitude son petit déjeuner à la maison. Mais, à 10h, il ne se prive pas d’un tour au « PM ». Cédric préfère s’acheter des sandwiches, qu’il trouve « très bons ».
Des élèves manquent d’argent
Si certains ont quelques pièces pour s’acheter du pain ou des sandwiches au petit marché, Fabrice Mamboné, élève en BEP II en maintenance des véhicules automobiles, se contente du repas du midi. Agé de 18 ans, il souligne que les moyens ne lui permettent pas de manger du pain à 10h et à midi. Du coup, il préfère attendre la pause de 12h pour se restaurer. Et il mange dans un coin appelé « Kosyam », détaille-t-il. Il précise que « généralement, c’est du haricot, j’achète et c’est à midi. Il y a un coin qu’on appelle Kosyam, c’est là-bas que je mange. Je prends pour 200 F CFA que je mange comme repas de midi ».
Avec un brin de tristesse dans le regard, Fabrice explique que du fait de la distance, il ne peut pas rentrer à midi manger en famille et revenir. C’est pareil pour Rachid Ouattara, 21 ans, élève en Bac pro II MVA, au Lycée professionnel régional du Centre : « Moi j’habite loin de l’école, je suis au quartier Bonheur ville. C’est loin d’ici ». Lui ne se fait pas l’obligation de manger à 10 heures au petit marché. Il rassemble ses forces pour attendre le repas de midi, le « beinga de Kosyam », « à midi c’est obligé ! », a-t-il insisté.
Les vendeuses, des mères nourricières
Le commerce au petit marché de l’école constitue une source de revenus pour la plupart des femmes qui en ont fait leur activité. Félicienne Ouédraogo, vendeuse devant un collège, affirme pouvoir compter entre 25 000 et 30 000 F CFA, par jour. Elle écoule chaque jour entre 200 et 300 miches de pain. Binta Badini, une autre vendeuse, qui fait ce travail depuis environ 40 ans, réalise à peu près la même recette journalière. Ayant eu comme clients d’anciens ministres du Burkina Faso comme Clément Sawadogo et Siméon Sawadogo, au Lycée Philipe Zinda Kaboré, elle assure que son petit commerce dans les écoles lui permet de « payer la scolarité des enfants ».
Binta, la soixantaine, n’a presque pas le temps de s’exprimer. Elle est à chaque fois assaillie par un élève venu acheter des gâteaux. Elle est aussi interrompue par un autre qui vient lui rembourser un crédit de 200 F CFA contracté la veille. La dame regardant le jeune homme partir explique qu’elle les considère comme ses propres enfants. Le débiteur de la dame avait 500 F CFA en main et la vieille dame lui a permis de revenir payer s’il trouvait la monnaie même si c’était le lendemain.
Lire aussi: Ouagadougou : une école envahie par un marché
Chantal Edjaou, une vendeuse de la nationalité d’un pays voisin vend dans le petit marché du Lycée Nelson Mandela, depuis au moins sept ans. Mariée, elle dit s’être organisée pour économiser à partir de ce commerce, afin de pouvoir se payer régulièrement le voyage pour rendre visite à sa mère restée au pays natal. Le petit marché est aussi un lieu de vie, de partage et d’entraide.
C’est un quart d’heure de cette ambiance de marché qui règne dans la plupart des écoles primaires et secondaires, tous les jours de cours.
Boureima Dembélé