Le désengagement de Barkhane au Mali intervient alors que le Burkina connaît une instabilité politique avec des autorités militaires qui ne sont pas encore bien installées. Pour l’expert et chercheur sur les questions d’extrémisme violent et de radicalisation, les nouvelles autorités burkinabè doivent vite se positionner sur cette question afin de tirer une meilleure partie de la situation. Mahamadou Savadogo dans la deuxième partie de cette interview, les invite à tenir un langage de vérité vis-à-vis de leurs partenaires et à l’endroit des burkinabè.
Est-ce que cette situation ne tombe pas mal pour le Burkina qui cherche encore ses marques au lendemain du coup d’Etat ?
Vous avez tout à fait raison, c’est bien vu. Je dirai que si cette situation étaient intervenue deux mois après, on aurait déjà trouvé nos marques, mis en place une stratégie et des plans. Comme l’a dit le président Damiba, c’est dans l’adversité que nous devons nous surpasser.
Nous devons tout faire pour trouver des stratégies pour atteindre nos objectifs tout en nous adaptant à la situation. Nous sommes dans une situation inconfortable et nous dévons être à même de transformer cette situation en force pour atteindre nos objectifs.
L’opinion publique est de plus en plus regardante sur les partenaires dans la lutte contre le terrorisme. Est-ce une donne à prendre en compte ?
Oui c’est une donne importante et même la plus importante donne. Mais elle n’est pas insurmontable pour peu que les autorités soient ouvertes, honnêtes avec la population. Il va falloir expliquer les enjeux. Nos autorités doivent présenter la situation sécuritaire comme elle est, c’est-à-dire très dégradée avec une situation humanitaire catastrophique.
Il faut dire à l’opinion publique que le Burkina ne peut pas à lui seul faire face à l’hydre terroriste et n’a pas les capacités logistiques nécessaires pour engager cette lutte tout seul, il va donc falloir des partenaires, pas seulement avec la France.
Il faut bien négocier les accords à signer avec le partenaire. Il ne faut pas se laisser manipuler, impressionner, donner un blanc-seing à ces partenaires. Ils doivent savoir que nous négocions d’égal à égal.
Je pense que la population burkinabè est assez flexible, elle va comprendre surtout si on arrive à engranger des victoires, stabiliser certaines zones en permettant aux personnes déplacées internes de retourner dans leurs villages.
On a vu l’attitude de la France quand les autorités maliennes se sont tournées vers d’autres partenaires. N’est-ce pas une façon de prévenir les autres pays du sahel ?
Justement en signant les accords, c’est cette ligne qu’il ne faudra pas franchir, parce que nous sommes souverains. Nous décidons de signer des accords avec qui nous voulons. Je pense que nous sommes en position de force actuellement. J’imagine très mal la France tenir si le Burkina et le Niger lui ferment les portes. Elle sera isolée et obligée de négocier. Comme nous sommes en position de force, il faut l’exploiter, être des stratèges.
Souvent les partenaires tiennent nos dirigeants parce qu’ils ont des casseroles, ne sont pas clairs. Ils peuvent ainsi remonter l’opinion publique contre eux en révélant des choses. Mais nous avons de nouvelles autorités qui n’ont pas encore eu le temps de s’installer, elles peuvent s’imposer.
C’est le cas du Mali avec ces nouvelles autorités sinon il y a bien longtemps que des scandales de corruption étaient sortis. Notre situation est donc un avantage aussi. Nos autorités peuvent mettre la pression en ne risquant rien.
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Interview réalisée par Tiga Cheick Sawadogo