A Koudougou dans la province du Boulkiemdé, une jeune athlète se démarque par son talent. Idah Kevin Bama, étudiante en licence de géographie excelle au taekwondo. Championne nationale, elle est classée 5e athlète africain dans la catégorie des moins de 49 kg. Le portrait de cette taekwondoïne qui fait la fierté de la ville de Koudougou.
L’allure frêle. L’air timide. Le regard fuyant. La démarche martiale à l’image de l’art qu’elle a épousé : le taekwondo, discipline sud-coréenne pratiquée principalement par des coups de pieds et des coups de poings, Idak Kevin Bama s’acharne sur un sac de frappe sur le plateau omnisport de l’ONEA. C’est là que s’entraînent les athlètes du club Nebnoma. Le plateau en ciment est faiblement éclairé par des lampes solaires. Après un travail sur le sac, la jeune fille exécute des poomsés, un combat imaginaire.
Au bord du plateau, débout, habillé d’un kimono, les bras croisés, Ismaël Kaboré, président du club Nebnoma guide la jeune fille. « Plus de puissance ! Plus de puissance ! On ne sent pas que tu mets de la puissance » répète-t-il. Il prend la jeune taekwondoïne à l’écart d’un groupe travaillant également, lui répète encore des consignes. Idah Kevin Bama se remet à la tâche, cette fois, sous le regard visiblement satisfait de maître Kaboré.
Une fierté à Koudougou
La vingtaine, ceinture noire 2e DAN, Idah Kevin Bama, -49kg, est la meilleure athlète de taekwondo au Burkina Faso. L’étudiante en licence de géographie a remporté l’OPEN G2 au Niger en février 2022. Elle a aussi remporté le titre de meilleure combattante sur près de 300 participants issus de 14 pays. Championne du Burkina Faso en 2021, elle avait remporté d’autres titres cette saison : « Le premier trophée que j’ai remporté, c’était à l’Air fighting à Ouaga après, j’ai remporté la Coupe du district de Koudougou et celui que j’ai eu récemment, c’est le prix de l’OPEN G2 au Niger ».
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A Koudougou, Idah Kevin Bama est une fierté et un exemple pour les pratiquants des arts martiaux, notamment le taekwondo. « Ce n’est pas uniquement pour Koudouguou mais tout le monde Burkina », précise Ismaël Kaboré. Car, la jeune fille est 5e au classement africain dans sa catégorie et 71e sur le plan mondial. Idah Kevin Bama tire sa force de son sens d’ « écoute » et son « abnégation au travail » selon Zemsi Tiendrébéogo, son maître et formateur au club Jeunesse.
« Je travaille avec elle depuis longtemps. Il n’y a même pas un garçon à Koudougou qui peut travailler comme elle. Elle aime le travail, elle le fait avec amour. Chaque fois que je demande un regroupement, elle est la seule à pouvoir tenir le coup jusqu’à la compétition », assure admiratif Zemsi, par ailleurs directeur technique de la ligue du Centre-Ouest de taekwondo.
L’histoire d’amour entre Kevin et le taekwondo remonte à son enfance. Très timide à l’époque, selon ses propres mots, la jeune fille se faisait battre constamment par son petit frère. « Il me battait parce qu’il était plus en forme que moi. C’est ainsi que ma maman a décidé de m’inscrire dans un club », se souvient Idah, le sourire au coin des lèvres. Elle trouve refuge dans cette discipline qui lui a permis de se forger un caractère et une force mentale. Depuis qu’elle pratique le taekwondo sa vision de la vie a changé. Plus de bagarre de rue. « La meilleure défense, c’est la fuite même quand on est capable de battre la personne », reprend-t-elle une phrase bien connue dans le milieu d’un ton ironique.
Le rêve des Jeux olympiques
Un rêve hante Kevin : participé aux Jeux olympiques à l’image de Hugues Fabrice Zango, premier médaillé olympique du Burkina. Comme Idah, il est originaire de Koudougou. Pour les jeux de Tokyo, la taekwondoïne burkinabè a râté de justesse la qualification lors d’un tournoi au Maroc. Pour elle, l’échéance n’a été que retardée : « Au Maroc, c’était ma première fois. Ce n’était pas facile. Mais ça m’a permis de corriger mes erreurs et de viser encore plus haut ».
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Consciente que rien de se gagne sans peine, Ida s’est remise au travail. Et cette option a porté des fruits avec le trophée de meilleure combattante ramenée du Niger. « Je vise haut. J’aimerai remporter plus de médailles. Je veux devenir une très grande championne », espère-t-elle.
L’étudiante en licence de géographie à l’Université Norbert Zongo de Koudougou a un programme académique chargé. Mais pour exceller dans sa passion, elle ne se fixe pas de limite. « J’ai toujours ma tenue dans mon sac. Dès qu’il y a un temps libre, je vais m’entraîner. Le club n’est pas loin de l’Université. Donc après, je continue directement », révèle la championne.
Nouveau titre de championne
Cependant, à Koudougou, les conditions ne sont pas réunies : L’équipe s’entraîne sans tatami, un tapi épais placé au sol pour amortir les chutes. Le sac de frappe est vieux et dépassé. Aucun club à Koudougou ne dispose d’une salle de gymnastique pour des séances de musculation. En plus, les stages et les compétitions sont rares. Mais cela n’enlève rien à l’envie et la détermination de Kevin Idah Bama.
La preuve. Un mois après la rencontre à Koudougou, nous retrouvons Ida Bama à Ouagadougou pour le championnat national. Malgré la forte pression, elle se débarrasse de trois adversaires et conserve son titre de championne du Burkina Faso. En prime, elle remporte le trophée de meilleure combattante chez les dames.
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Avec ces performances, le rêve des Jeux olympiques à Paris est permis. « Je sais qu’elle va représenter le Burkina au regard de ses performances, de son engagement et de sa volonté de réussir. C’est vrai que nos moyens sont limités mais c’est avec ces mêmes moyens qu’elle a remporté le prix de la meilleure combattante au Niger. Elle est bien engagée, elle est bien partie pour aller aux JO 2024 », prédit Zemsi Tiendrébéogo.
A la Fédération burkinabè de taekwondo, tous sont également unanimes. La jeune championne peut se qualifier aux Jeux à Paris si les conditions sont réunies. Le défi pour eux, est de trouver une bourse à Idah Kevin Bama pour intégrer un centre d’excellence afin de passer un nouveau palier car au Burkina Faso… elle n’a plus rien à prouver.
Boukari OUEDRAOGO