Relancer la production du blé au Burkina. Plus que jamais d’actualité alors que les deux plus grands pays producteurs au monde, Russie et Urkraine, sont en guerre et que le prix de ce précieux céréale ne cesse de grimper. Le Burkina qui de par le passé avait produit le blé, veut relancer l’initiative. Les chercheurs en tout cas ont déjà fait leur part du travail à travers la sélection de semences adaptées.
Au siège de l’Institut de l’environnement et de recherche agricole (INERA) à Gounghin, la foire des semences bat son plein. Cet après midi du 2 juin, les stands ne désemplissent pas. Différentes variétés de semences améliorées et de plantes sont présentées aux visiteurs. Les chercheurs exposent là, les résultats de ce qu’ils ont longtemps cogité dans les laboratoires.
Dans un stand, des visiteurs satisfont leur curiosité devant les résultats exposés par la station de recherche de INERA Farako-Bâ dans l’ouest du Burkina. Entre les semences améliorées de maïs, de riz, de papaye et d’oseille, le blé attire l’attention. Pourtant, rien de particulier selon les tenants du stand. A chaque édition de la foire des semences (13e cette année) la station de Farako-Bâ a toujours exposé les semences de blé.
« Ça ne date pas d’aujourd’hui. C’était resté en veilleuse, mais à l’INERA, on n’a jamais cessé de produire le blé pour maintenir les variétés sélectionnées et qui sont rentables au Burkina », rappelle la responsable du stand Jeanne Sib.
Un violent rappel par l’actualité
Si le blé suscite intérêt et curiosité à cette foire, c’est en raison de l’actualité: la guerre entre la Russie et l’Ukraine. Les deux pays concentrent à eux seuls, 30 % de la production mondiale. Alors, la crise a fait flamber les prix du blé. Le Burkina vit les conséquences de cette situation avec, par exemple, les boulangers qui veulent augmenter le prix de la baguette du pain.
Dans un communiqué en date du 24 mai, la Coordination des faîtières de boulangeries avait noté que « le prix de la farine du blé est passé de 350 000 F à plus de 525 000 F, soit une hausse de de 175 000 F la tonne (50% de hausse) ». « On dit que quand ça ne chauffe pas, les gens ne pensent pas réellement à trouver des solutions à l’interne. Voilà que la guerre en Ukraine et la crise sécuritaire font que nous ne pouvons plus importer comme on veut, même si on a de l’argent. Il faut donc trouver des solutions palliatives. Pourtant, elles existaient depuis », constate Zara Nikiéma, sélectionneuse de semences dont le blé à la station Farako-Bâ.
Attirer l’attention
C’est justement l’objectif des chercheurs. Démystifier la culture de certaines variétés, montrer que c’est bien possible sur les terres du Burkina, interpeller les pouvoirs publics à en faire une priorité. « Dans l’esprit des burkinabè, c’est comme une culture lointaine qui n’est pas accessible. Celui qui cultive le riz, le maïs peut facilement produire le blé. La seule différence est qu’il faut le produire en saison sèche. Le blé a besoin d’une température entre 22 et 27°. C’est la seule différence », explique Zara Nikiéma.
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Devant le Kakémono qui donne les détails sur les différentes variétés, Jeanne Sib avec enthousiasme explique que : « La recherche est disposée, les variétés existent, il suffit maintenant que les producteurs s’y intéressent ». Selon elle, si le Burkina s’y intéresse, cela contribuera à diminuer les importations à coût de milliards. « La notion du consommons local, il faut y penser aussi. Il ne faut pas être totalement être adossé aux importations », rempile Jeanne Sib.
Dynamiser toute la chaîne
Le Burkina s’est déjà essayé dans la production de blé il y a quelques années. Mais les projets initiés jusque là n’ont pas été pérenne. Le 20 mars 2006 par exemple, Paramanga Ernest Yonli premier ministre d’alors avait procédé à Nianssan dans le département de Di, au lancement de la récolte de blé dans la vallée du Sourou. La production de cette phase pilote de 500 hectares était estimée à 2000 tonnes. Depuis, plus rien.
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Après avoir marqué un arrêt sous le stand de la station de recherche de Farako-Bâ, un sac plein de différentes semences , Nié Odou, ingénieur en génie rural commente ce qui peut s’apparenter à un manque d’intérêt des producteurs pour le blé. « Cela n’entre pas pas les habitudes alimentaires de nos parents paysans. On se dit que le pain, c’est surtout dans les grandes villes que c’est consommé », estime le jeune ingénieur avant de poursuivre en ajoutant que la question de la transformation peut être un frein. « Il faut le transformer en farine, est-ce qu’on a des usines de transformation sur place? », se demande-t-il avant de suggérer d’associer le triptyque production, transformation et marché.
Tiga Cheick Sawadogo