A Kaïbo dans la province du Zoundwéogo, des femmes déplacées internes essaient de se reconstruire après avoir tout laissé derrière elles dans la fuite pour échapper aux groupes armés. Dans ce village qui leur offre l’hospitalité, elles apprennent à confectionner de petits articles, bracelets, sacs, porte-monnaie avec des perles. Une potentielle source de revenus pour faire face à leur immense besoin de personnes vulnérables.
Les champs ne sont pas encore débarrassés des tiges de mil. Preuve que la période de récolte n’est pas si lointaine. Mais à Kaïbo, commune de la province du Zoundwéogo comme un peu partout dans les villages du pays, c’est une longue période creuse qui s’annonce. En dehors des travaux champêtres, pas vraiment de quoi s’occuper surtout en l’absence de retenue d’eau.
Par contre pour les déplacés internes du village, rester sans rien faire est un luxe qu’ils ne peuvent se payer. Sous des arbres, trois groupes de femmes. L’atmosphère est studieuse et chacune est concentrée. Dans les mains, des fils et des perles qu’elles manipulent avec minutie. Le tout sous l’œil vigilant de Maya Pauline Dimzouré, la formatrice. Il y a quelques mois, la jeune dame a initié un projet de formation au bénéfice des femmes déplacées de la commune de Kaïbo.
« Mon entreprise, à la base, a pour vocation d’aider les filles déscolarisées. Avec la crise qui a occasionné un déplacement massif de populations surtout les femmes, je me suis dit qu’avec cette activité, elles peuvent se faire un peu d’argent et s’occuper de leurs familles. On a donc fait le projet en perlage », explique-t-elle. Le pas agile, elle passe d’un groupe à un autre, donne des instructions, explique.
Des apprenantes enthousiastes
Ressortissante de Djibo, Zenabo Tiendrébeogo est installée à Kaïbo depuis près de 5 ans. Elle n’a que des mots de reconnaissance et des remerciements pour celle qu’elle appelle ‘’bienfaitrice’’ Maya Pauline Dimzouré. « Avant, nous ne savions rien du perlage. C’est vraiment une découverte pour nous et nous sommes très contentes. Comme nous ne travaillons pas, cette activité est une belle opportunité. Les articles qu’on a confectionnés, on a senti que les gens étaient intéressés », se réjouit la déplacée.
En pleine confection de porte-clé, Zarata Sawadogo explique toutes les étapes. La jeune fille de l’avis de la formatrice est particulièrement douée, comme si elle le faisait depuis longtemps. « J’ai assimilé tout ce que la formatrice a donné comme leçons. Je peux aisément fabriquer un sac, un porte-clé, des boucles d’oreille, des bracelets… ».
Selon la formatrice dès le début, les femmes et jeunes filles ont montré un fort intérêt à apprendre le perlage. Elle a dû aller au-delà du nombre prévu au départ. « Quand on a commencé la formation, il y‘avait de l’engouement. Elles étaient 80 inscrites. Nous devrions former 50 femmes, finalement on a dû ajouter 2 et il y a d’autres qui voulaient. Malheureusement notre financement ne nous permettait pas de les former toutes », précise la patronne de l’entreprise Maya Design.
Une activité qui nourrit…sa femme
Zenabo Tiendrébéogo et ses camarades ont bien remarqué que les articles faits à base de perles sont appréciés des populations qui en demandent. « Des gens voulaient acheter les objets qu’on a confectionnés pour nous-mêmes pendant la formation, d’autres nous disent qu’ils veulent apprendre », note la ressortissante de Djibo.
Foi de Pauline Dimzouré, le perlage est une bonne niche que les déplacées peuvent exploiter. Pour elle qui est dans le domaine depuis longtemps, c’est une activité rentable. « Le perlage nourrit son homme. Quand on prend un paquet de perle à 2500 F CFA pour faire sortir les porte-clés, on peut avoir au moins 200 porte-clés qu’on peut vendre entre 200 et 300 F CFA, voire plus. Le paquet de chênette de 12 coûte 500 F CFA. On peut se retrouver avec un bénéfice de 300 ou 400% de bénéfice», détaille-t-elle.
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Adjarata Ouédraogo, une autre apprenante, se fait la porte-parole du groupe. La formation finie, elles espèrent un accompagnement pour amorcer véritablement l’activité. « Au fil du temps, nous risquons d’oublier tout ce qu’on a appris », dit-elle, d’une petite voix.
En effet le projet avait prévu un accompagnement des déplacées à la fin de la formation. Un petit fond pour acheter le matériel et se mettre à la tâche. Cela fait des mois que les bénéficiaires attendent, le partenaire financier n’ayant pas encore donné suite. Des appréhensions fondées, mais que Pauline Dimzouré tente de dissiper en promettant de continuer à faire le plaidoyer pour que chaque femme formée puisse entrer en possession de son kit de démarrage, qui coûte 30 000 F CFA.
Tiga Cheick Sawadogo