A Koudougou, le parcours scolaire inspirant de Wendyam Zoundi, 14 ans, handicapée visuelle©Studio Yafa
Wendyam Véronique Zoundi, Koudougou, juin 2022

A Koudougou, le parcours scolaire inspirant de Wendyam Zoundi, 14 ans, handicapée visuelle

C’est l’histoire d’une combattante. Handicapée visuelle, âgée de 14 ans, Wendyam Véronique Zoundi a réalisé un parcours sans faute jusqu’à l’obtention de son brevet d’étude du premier cycle (BEPC). La volonté, le courage, l’abnégation au travail ont permis à la jeune fille de braver son handicap. Un parcourt qui révèle le sujet d’un système d’éducation inclusif.

C’est au domicile de sa grande sœur Colette Zoundi, dans un quartier dit non loti de Koudougou, que nous retrouvons Wendyam, la volonté de Dieu en langue française. Tout sourire, elle sort de sa cachette, une maisonnette et s’installe sur une chaise avec l’aide de sa sœur. Handicapée visuelle depuis sa naissance, Wendyam n’a jamais vu le soleil du jour. Contrairement à plusieurs personnes dans sa situation, elle aurait pu terminer comme mendiante dans la rue ou plutôt cachée du reste de la société. Mais sa famille a refusé ce destin obscur. Sa mère notamment.

Maman Zoundi décide, malgré l’opposition d’une partie de la famille et le handicap de sa fille que Wendyam ira à l’école. Comme les autres enfants de son âge. « On disait à ma maman que je ne suis pas un enfant normal. Elle a insisté et m’a quand même inscrite. Elle est ensuite restée à mes côtés pour s’occuper de moi », se souvient la jeune fille.

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Dix ans après, sa mère a eu raison. Wendyam a réussi à son Brevet d’étude primaire (BEPC) en réalisant un parcours sans faute. Mais, ce succès ne s’est pas fait sans adversité et surtout sans sacrifices. Elle a juste obtenu 11,60 de moyenne pendant son examen. Ce succès est salué presque dans tout l’établissement car le parcours de Wendyam Zoundi est brandi comme symbole de courage et de combativité. « J’étais très contente après mon admission parce que je ne savais pas ce que je deviendrai si j’échouais », lâche-t-elle avec son sourire que ne la quitte presque pas.

Une fille combative

Cette joie est quelque peut entachée de déception. Certaines personnes qui lui prédisent un avenir sombre n’ont pas apprécié : « Quand j’ai réussi à mon BEPC, c’est devenu un problème. Certaines personnes ne sont pas contentes et m’attaquent ». Il s’agit de membres de la famille élargie qui estiment qu’une personne non voyante est source de malheur dans la famille.

Les premiers pas à l’école étaient difficiles. Peu habitués à voir un handicapé visuel, Wendyam Zoundi l’objet de railleries de ses camarades. « Ce n’était pas facile parce que je n’étais pas habituée aux gens. Quand je sortais, les gens me regardaient. Entre temps, j’ai décidé de ne plus partir à l’école parce que les autres se moquaient de moi. Par finir, je me suis habituée », concède la jeune élève. Tout  ce vécu a forgé en elle un caractère combatif. C’est grâce à la technique du braille, elle apprend à lire et écrire.

Sa famille ne s’attendait pas à autant de difficultés lors de ses premiers pas à l’école. L’école est située loin du domicile familial. La plupart des écoles ne bénéficient pas d’un système inclusif de personnes vivant avec un handicap visuel. En plus, Elle doit aussi se faire aider : se laver, s’habiller, se rendre à l’école etc.

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Enseignante à Sapouy, à plus de trois heures de route, Colette Zoundi lutte pour obtenir une affectation à Koudougou afin d’être auprès de sa sœur. C’est elle qui assure tous les frais de scolarité, la restauration et le transport de sa petite sœur, la benjamine de la famille. « Etant éducatrice, on comprend. Cela fait partie du programme. Comme on a intégré l’enseignement inclusif, on a besoin de tous les enfants même ceux vivant avec un handicap. Le gouvernement a eu l’idée de songer à toutes ces personnes, ce n’est pas nous les éducateurs qui allons nous mettre en marge », soutient-elle.

Pour sa part, la jeune fille se bat comme elle peut. Grâce à un enseignant de langue français qu’elle prend pour modèle, Wendyam Zoundi met en place son propre emploi du temps. Ce qui lui permet d’apprendre avec plus de facilité. Sa détermination se heurte à d’autres difficultés. Les fournitures scolaires adaptées à son handicap arrivent tard. Mais cela n’entame aucunement le moral et la résolution de la jeune fille à réussir. Pour la motiver ses enseignants donnent des exemples de personnes handicapées visuels ayant réussi leur parcours ou devenues des célébrités. Ces exemples la motivent.

L’esprit de solidarité des élèves

Après le succès au certificat d’étude primaire (CEP), Wendyam est orientée au Lycée Saint Augustin pour poursuivre les études avec quatre autres camarades, elles aussi malvoyantes. Ce n’était pas gagné d’avance. « J’ai eu peur. J’ai eu des appréhensions parce que de toute ma carrière de chef d’établissement, je n’avais jamais eu à faire à tels types d’élèves », confesse Dieudonné Badoma, le proviseur du Lycée Saint Augustin de Koudougou. Vincent Zagré, encadreur scolaire de Wendyam rassure. Il sera là pour encadrer les filles. Accord conclu.

Dès cinq élèves, Wendyam est la plus brillante. Elle est la seule a terminé ce premier cycle sans reprendre une classe. « C’est une fille engagée, studieuse, attentive et discrète. Quand vous l’observez en classe, vous sentez qu’elle a envie d’apprendre. Et cela, nombreux sont les enseignants qui l’ont relevé lors des conseils de classe. Cela motivait le corps enseignant à mieux s’occuper d’elle », soutient Badoma. D’ailleurs, selon lui, la présence de Wendyam et de ses camarades a un avantage. Les enseignants prennent plus le temps d’expliquer. Ce qui profite aussi aux autres élèves.

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Wendyam confirme. Ses enseignants ont toujours été là pour elle. Ses camarades de classe aussi. « Il y a des moments les enfants vous surprennent. Ils ont parfois cet élan de solidarité. Ses camarades de classe l’aident quand elle veut sortir, quand elle veut aller aux toilettes », ajoute Badoma. Le rêve de Wendyam Zoundi c’est d’enseigner un jour le Français aux élèves. La lecture est son passe-temps favori. « Quand je suis seule, j’aime lire pour découvrir les mots, être forte en dictée », dit celle qui aime également cuisiner le tô au babenda, son repas préféré. Selon Dieudonné Badoma, si Wendyam a du soutien, elle pourrait atteindre son objectif car elle a montré qu’elle ne lâche rien.

Il reste désormais à trouver un établissement de deuxième cycle du lycée pour lui permettre de poursuivre son cursus scolaire. Sa grande sœur Colette est à bout de souffle. Mais, elle ne compte pour rien au monde lâcher car pour sa sœur, son handicap ne peut être un frein à sa réussite. Le cas de Wendyam et bien d’autres élèves handicapés pose la problématique de l’enseignement inclusif. Par exemple, à l’école Saint Augustin, les enseignants n’ont pas encore bénéficié de formation afin de prendre en compte ces enfants handicapés.

Boukari OUEDRAOGO