Dans la deuxième ville du Burkina, Bobo Dioulasso, s’érige une muraille contre la radicalisation et l’extrémisme violent. Pendant que le pays vit au rythme des attaques terroristes, l’institut As Salam propose à ses étudiants des enseignements sur la tolérance religieuse. L’un des objectifs est de permettre aux futurs prédicateurs et enseignants de se former au Burkina, avec les valeurs du pays, plutôt que d’aller ailleurs et revenir avec souvent un discours extrémiste et loin des réalités locales.
Ce sont les vacances pour les élèves, mais pas pour les étudiants de l’Institut As Salam (La paix, en arable). Le grand portail franchi, on constate des salles de classe fermées. Le calme règne dans cette école franco arabe, située au quartier Ouezzinville de Bobo Dioulasso. Au fond et à gauche, il y a plus d’animation. Des motos garées, des gens qui vont et viennent. Au premier étage d’un immeuble à deux niveaux, des étudiants écoutent religieusement leur enseignant. Il parle de cohabitation pacifique entre les religions. A la fin de son développement, les apprenants lèvent les doigts pour participer au débat.
Il y a quelques années, après le BAC arabe, ces étudiants n’auraient pas eu la chance de poursuivre leurs études, sauf à aller dans les pays arabes ou ailleurs. Après plusieurs années, ils seraient revenus au pays, oints par la culture de leur pays d’accueil, et souvent un discours aux antipodes des valeurs de cohésion sociale. C’est désormais un souvenir depuis trois ans.
« Au Burkina Faso, nous n’avons pas assez d’instituts supérieurs en Arabe et beaucoup de jeunes migrent vers les pays arabes. Ce qui n’est pas du tout facile car ils peuvent revenir souvent avec des doctrines qui sont différentes aux nôtres. Nous voulons que les élèves restent sur place pour suivre leur formation pour qu’ils soient en cohérence avec eux-mêmes et leur environnement. Ainsi, ils peuvent faire des prêches sans amener d’autres doctrines les mettant dans des problèmes », explique Amadou Sanogo, fondateur de l’institut.
Burkina : les appels à la cohésion sociale se multiplient
C’est ce qui a encouragé l’ouverture de cet institut, alors que le pays depuis quelques années fait l’amère expérience de l’extrémisme violent et la radicalisation. Le promoteur et ses collaborateurs estiment que le fléau a pour terreau la mauvaise compréhension des textes, voire l’ignorance.
« (…) Après 3 à 4 ans de formation, ils ne vont pas se radicaliser et seront doués en Islam parce que nous avons des programmes qui peuvent bien les protéger et ils seront de bon citoyens et participer au développement du pays. Nous luttons contre la radicalisation des enfants et tous nos programmes sont basés sur la tolérance, le savoir-vivre », ajoute-t-il.
La lumière du savoir contre l’obscurantisme
Doctorant en Arabie Saoudite, Soufiane SANOGO, est en vacances à Bobo dioulasso. Il n’hésite pas à passer dans son ancienne école. Sous un arbre, il devise avec des camarades. Pour lui également, le terrorisme trouve une de ses explications dans l’ignorance et la mauvaise compréhension des textes sacrés. Il se rappelle que l’école qui l’a formé a toujours prôné la tolérance.
« Cette école a toujours inculqué la tolérance religieuse et a beaucoup servi la nation. Comme c’est un institut supérieur où les cadres se forment, ça peut contribuer à apaiser l’atmosphère qui règne dans ce pays », soutient le doctorant pour qui les futurs diplômés pourront être de bons prédicateurs, des bons enseignants qui vont porter des messages de paix.
Aboubacar Konané est un étudiant de nationalité ivoirienne qui s’est inscrit en vue de l’obtention d’une licence. Il dit avoir aimé la philosophie de ce temple du savoir islamique, d’où son choix d’y poursuivre ses études. « Ici on apprend que ceux qui sont qui sèment la terreur ne sont pas en réalité des musulmans », fait-il savoir avant d’ajouter qu’avec un diplôme supérieur en poche, sa voix portera davantage dans son environnement pour aider à détricoter tout message qui a tendance à radicaliser les jeunes.
Tiga Cheick Sawadogo