Le commerce de l’attiéké est habituellement réservé aux femmes au Burkina Faso. Plusieurs femmes ont eu du succès grâce à cette activité. De jeunes garçons se sont lancés dans la vente de l’attiéké, version « garba ». Mal accepté au départ, ces jeunes commencent à imposer leur business.
Avenue Charles de Gaulles de Ouagadougou, 11h30. Une vingtaine de personnes est attroupée autour d’une petite cabine jouxtant le mur de l’Université de Ouagadougou. Le soleil est pourtant brulant. Une odeur piquante d’attiéké, de la semoule de manioc cuite à la vapeur, et poisson frit pique les narines à faire saliver. Chaque plat est accompagné d’un poisson thon, des tomates et des oignons parfois assaisonné d’un bouillon. Quelques clients dégustent ou attendent sous un hangar aménagé.
A l’intérieur de la cabine, un jeune, Yacouba Ouédraogo dit Socrate 14 sert du « garba », l’autre nom donné à l’attiéké, aux clients. Arrivé de la Côte d’Ivoire pour des études universitaires, Socrate 14 est confronté à des difficultés financières. Il décide alors de se lancer dans le commerce du « garba » ou encore « zeguen » déjà populaire aux bords de la lagune Ebrié. « Je me suis inscris dans une société de gardiennage. Après deux ans d’angoisses j’ai pu réunir l’argent pour créer mon entreprise de vente de garba », dit-il.
Activité méconnue des Burkinabè
Depuis que Abdoulaye Diéni a découvert ce garbadrome, lieu de vente du « garba », il est parmi les fidèles. « Moi je suis en cité Kossodo. On a beaucoup parlé du « garba » de chez Socrate14. On m’a indiqué et comme j’ai grandi en Côte d’Ivoire, j’aime le garba. Je viens donc ici », répond-t-il tout en avalant quelques bouchées d’attiéké. Les élèves et les étudiants sont d’ailleurs les principaux clients de Socrate 14.
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Installé également au quartier Zogona sur l’avenue Babanguinda, Delwendé Tougma dit le rasta Bourgeois s’est lancé dans la vente du « garba » en 2018. Jeune étudiant, il recherchait des sources de revenus pour joindre les deux bouts. Il lance alors son garbadrome, à la Zone 1 non loin du SIAO(Salon international de l’artisanat de Ouagadougou). « Ce n’était pas facile dans les débuts. C’était une nouvelle activité pour les Burkinabè qui ne sont jamais allés à l’extérieur. Mais c’était quelque chose de normal pour nous qui sommes nés en Côte d’Ivoire parce qu’on voit les garçons vendre le garba là-bas », se souvient Rasta Bourgeois.
En plus, certains membres de la famille ont eu du mal à l’accepter. « Ils me disaient « garçon qui prépare, nous on ne mange pas ça » », raconte, amusé le garbaman.
Le garba différent de l’attiéké
De passage au Burkina Faso pour célébrer la réussite à un concours de son frère ainé, Séogo Jean Valentin dit Picasso décide de remplacer pendant un temps sa sœur, admise à l’Université de Koudougou, à près d’une centaine de km de Ouaga. Les débuts sont difficiles, admet Séogo : « C’était devenu un deuxième dortoir parce qu’il n’y avait pas de clients. Mais de bouche à oreille, la clientèle s’est agrandie ». S’il a tenu, c’est après s’être inspiré de l’exemple de Socrate 14 qui l’a devancé dans la vente du garba.
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D’habitude, cette semoule est vendue par les femmes au Burkina Faso. Mais il existe bien une différence entre l’attiéké et le « garba ». Le « garba », selon Rasta Bourgeois, est fait avec l’attiéké gros grain, accompagné de poisson thon des oignons, des tomates et le piment vert. Par contre, l’attiéké se distingue par sa finesse. Le plat servit diffère également. Il peut être accompagné d’un peu de sauce ou de l’huile cuite avec des oignons. Il peut être accompagné de plusieurs autres condiments comme le concombre.
« Il y a vraiment quelque chose de différent avec ce que les femmes vendent. Le goût est assez particulier », témoigne Julienne. La demoiselle a quitté le quartier voisin de Wayalgin pour manger chez Picasso.
Un business rentable
Il n’y a pas de concurrence avec les femmes, après tout, les deux plats sont différents. « Beaucoup de personnes ne connaissent pas l’abodjama gros grains. Il y a des filles qui ont acheté une fois ici et qui sont venues me dire qu’elles ont jeté parce qu’en voulant manger, c’était gros dans leur bouche », détaille-t-il, moqueur.
Tous le reconnaissent. Le commerce du « garba » marche bien. Socrate dispose de deux restaurants et emploie six jeunes. La petite unité de garbadrome de Rasta Bourgeois emploie également environs six étudiants, qui se relaient à tour de rôle.
Grâce à cette activité, ils arrivent tous à payer le loyer, les frais de scolarité et à se soigner sans l’assistance de leurs parents. Quant à Picasso, il dit ne plus pouvoir se passer de son activité. « J’avais commencé juste pour quelques jours avant de repartir en Côte d’Ivoire. Mais aujourd’hui, je ne peux passer une journée sans venir ici ». Le succès de ce commerce est dû au fait que les Burkinabè ont accepté les garbamans selon les vendeurs. Il ne reste, pour chacun d’entre eux, qu’à agrandir son business.