Elodie Paré vit avec un handicap, celui de la malformation de sa main gauche. Longtemps stigmatisée, la jeune dame a réussi malgré tout à se frayer un chemin dans la société. Elle occupe actuellement le poste de cheffe restauratrice au restaurant universitaire de l’université Thomas Sankara de Ouagadougou.
Alors que nous lui demandons comment elle arrive à travailler avec son handicap, la réponse de Elodie Paré nous laissé bouche bée. « Ah bon ! Je suis handicapée ? Moi-même je n’avais pas remarqué oh », ironise-t-elle, avec un sourire large.
Une réponse qui résume un état d’esprit. Il n’est pas question de se laisser abattre par un handicap qu’elle n’a pas choisi de porter. Née avec une malformation du bras gauche, Elodie en grandissant, a appris à vivre ces regards qui stigmatisent ou méprisent, ces bouches qui jugent et condamnent. « Mais j’ai tenu », dit-elle avec une fierté non dissimilée.
« Il y a des hommes qui m’ont demandé ce qu’ils vont faire avec une femme qui a une main comme ça », poursuit la mère de deux enfants, sans laisser transparaître la moindre once de tristesse.
Mériter sa place au quotidien
« Il n’y a pas quelque chose que quelqu’un de normal peut faire et que moi je ne peux pas faire, ça n’existe pas », clame Elodie. Dans le hall du restaurant de l’université Thomas Sankara dont elle est la gérante, la jeune dame va et vient. Quand elle ne goutte pas les différents menus du jour, elle aide à transporter les marmites de la cuisine vers le réfectoire ou sert les étudiants alignés dans de longs rangs.
Au milieu de ses collaborateurs, il est non seulement difficile de savoir que c’est elle la cheffe, mais surtout de savoir qu’elle a une malformation au niveau de la paume gauche. Elodie est au four et au moulin, fait tout, comme tout le monde. Pas de prise de tête. La place de cheffe, il faut la mériter au quotidien. Elle tapote ses collaborateurs, crie jusqu’à s’égosiller et rigole à gorge déployée avant de nous lancer, « moi je me plais dedans ».
Le parcours d’une combattante
Dynamique, souriante, Elodie Paré est une femme dont les épreuves de la vie auront réussi à endurcir la carapace. Elle donne l’impression d’une femme forte dont rien ne peut ébranler la confiance en soi. « Parfois nous-mêmes nous on se demande si c’est un homme ou une femme. Tellement est-elle courageuse », témoignage admirablement l’un de ses collaborateurs.
Si elle parait mieux épanouie aujourd’hui, Elodie ne peut souvent s’empêcher de se remémorer son passé. En plus de son handicap, elle a dû mettre un terme à ses études alors qu’elle est titulaire d’un BAC. Après le décès de ses deux parents en l’espace de deux ans, elle est forcée de revoir ses ambitions de vie à la baisse par faute de moyen et de soutien.
Une »sans main » qui tend la main
Il est difficile de faire l’unanimité, dit-on. Mais tous ceux à qui nous avons tendu le micro au sujet d’Elodie s’accordent sur un point, sa générosité. Malgré son caractère bien trempé, la native de Toma dans la boucle du Mouhoun n’hésite pas à tendre la main à ceux qui en ont le plus besoin. Les plus jeunes de ses collaborateurs l’appellent affectueusement « la maman » pour traduire son rôle de protectrice et surtout sa générosité.
L’un d’entre eux qui est en même temps un membre de sa famille ne tarie pas d’éloges à son endroit. « C’est elle qui m’a amené du village. Elle m’a donné du travail, depuis que je suis avec elle je n’ai jamais dormi le ventre vide », reconnaît-il, avant d’ajouter tout ému « je suis reconnaissant que Dieu lui donne longue vie ».
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Une longue vie, c’est aussi ce que souhaite Elodie pour, dit-elle, prouver à la face du monde qu’elle peut tout malgré son handicap. Toujours avec le même sourire et la même assurance, Elodie de conclure « le plus gros handicap est celui de l’esprit ».
Lagoun Ismaela Drabo