Portés par l’espoir d’un avenir meilleur, de nombreux jeunes Burkinabè aspirent à traverser l’océan pour le Canada, terre d’opportunités. Mais ce rêve se heurte à des réalités sombres : la menace constante d’arnaques de visa et la complexité du chemin de l’émigration.
Dans le quartier Koulouba de Ouagadougou sous un soleil implacable d’environ 40 degrés, une dizaine de jeunes se pressent à l’entrée du centre de demande de visa de Ouagadougou. Un vigile canalise la foule, distribuant des instructions qui sont rapidement suivies, libérant ainsi l’entrée. « D’habitude ce n’est pas comme ça. Il y a même quelqu’un qui reçoit et explique ce qu’il faut faire », explique l’un d’entre eux.
Après avoir libéré l’entrée, sous un parasol défraîchi, ils s’affairent à remplir leurs dossiers. Parmi ce groupe, Yan Soudré, un jeune diplômé en génie civil, spécialisé en maçonnerie, se tient là, pour la première fois. Son rêve ? Fuir l’ardeur du Burkina Faso pour la fraîcheur du Canada. « Effectivement. Je veux aller étudier au Canada et voir après si je peux travailler là-bas », explique le jeune Yan avec une pointe d’espoir dans la voix.
Malgré les échecs répétés, Yan reste déterminé à conquérir le « grand Nord blanc », armé de son imagination nourrie par les réseaux sociaux notamment. « C’est une décision personnelle. Leur mode de vie me plaît. La plupart de ceux qui partent là-bas, lorsqu’ils reviennent, ils ont un bon niveau », assure le jeune homme convaincu d’une certaine facilité de sa démarche.
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Cependant, le chemin vers l’immigration est jonché d’obstacles, notamment les nombreuses agences frauduleuses. Yan a dû naviguer entre ces pièges avant de se résoudre à se tourner vers des voies plus officielles.
« Ils m’ont dit que je dois déposer 250 mille et les 350 mille Francs CFA et je peux avoir le visa en moins d’un mois. Je me suis dit que ce n’était pas clair parce que d’autres ont déposé leur dossier et ils ont fait trois voire six mois avant d’avoir le visa. Alors, je me suis dit qu’il faut que j’arrête », raconte le jeune homme, l’œil méfiant.
Pour Yan, l’immigration est aussi une échappatoire au chômage. Il croit qu’en allant au Canada, il augmentera ses chances de trouver un emploi, ou du moins, de revenir au Burkina Faso avec de meilleures compétences.
Un espoir de réussite
Mohamed Bancé, chauffeur expérimenté en matière d’immigration, partage cet espoir. Après avoir vécu en Italie et au Gabon, il aspire maintenant à s’installer au Canada. Certaines de ses connaissances y ont déjà voyagé. Sans aucun diplôme, Mohamed compte sur son permis de conduire pour débaucher un travail une fois avoir atterri dans ce pays. « Chauffeur ou peu importe le travail, si je peux y aller, c’est l’essentiel. Vous connaissez le Burkinabè, il n’a pas peur de travailler », affirme-t-il avec assurance.
Les annonces de recrutement de travailleurs immigrés au Canada abondent sur internet, promettant un besoin urgent de main-d’œuvre. Grâce à l’aide de son frère, Karaga Sanou a pu constituer son dossier de demande de visa. « En fait, je n’ai rien à voir dedans. Mon frère a monté mon dossier et je suis là aujourd’hui pour déposer mon dossier. Je n’étais pas là. Il s’est renseigné pour cela », fait-il savoir. A 20 ans, il espère que ses compétences en mécanique et en boucherie lui ouvriront les portes d’une success story canadienne. Ces voies, pour eux, constituent au moins un moyen sûr comparativement aux routes de l’immigration dans le désert du Sahara avec ses nombreux risques.
À l’Université Joseph Ki-Zerbo de Ouagadougou, Kiswendsida Kaboré assiste les candidats dans leurs démarches en ligne, soulignant l’engouement pour l’immigration, en particulier chez les jeunes. Il est installé sur une table placée sous un arbre. Kaboré met en garde contre les arnaques, surtout celles qui réclament de l’argent pour des services normalement gratuits, comme la loterie visa américaine.
Attention aux arnaques
« Moi personnellement, j’essaie de me retenir par rapport à cela. Quand quelqu’un vient me demander, je l’aide. Mais souvent, lorsqu’on poursuit le processus, il y a des personnes derrière qui réclament une somme d’argent. Tu ne sais même pas à qui tu verses l’argent », regrette-t-il, conscient des pièges qui jalonnent ce chemin.
D’ailleurs, il fait la remarque que la plupart des postulants sont jeunes. Même s’ils évoquent en premier des raisons d’études, ces jeunes veulent d’abord aller « se chercher », selon le jargon pour échapper au chômage et sortir de la pauvreté.
Selon le cinquième recensement général de la population réalisé en 2022, 7,1% des jeunes sont au chômage au Burkina Faso. C’est la couche la plus touchée par ce fléau. Le contexte d’insécurité lié au terrorisme a aussi accru la précarité de la population et des jeunes notamment.
Boukari Ouédraogo