Après une longue pause, le football reprend ses droits dans les stades et terrains du Burkina Faso. Mais les stades connaissent une affluence plus faible que d’habitude. Les changements dans le calendrier des matchs et les préoccupations concernant les salaires en retard des athlètes suscitent des inquiétudes.
Ce mercredi, alors que le soleil ardent décline lentement, une atmosphère de renaissance flotte au Stade Dr. Issoufou Joseph Conombo de Ouagadougou. Au côté Ouest, les parqueurs guettent l’arrivée des spectateurs en vue de la reprise du championnat national de football. Isaac Sondo, la quarantaine, accueille les rares arrivants avec un sourire amical.
Cependant, pour cette reprise, il constate l’évidence d’une affluence timorée : « Comme vous le voyez, les spectateurs ne viennent pas d’abord alors qu’en temps normal, à cette heure, on a déjà beaucoup de clients », explique-t-il tout en balayant des yeux l’espace vide.
Julien Sondo son concurrent d’en face hoche la tête en signe d’accord. Les deux partagent le même désarroi : « En plus, on dit qu’on ne peut plus jouer de matchs de championnat le soir. Donc, ça devient plus compliqué parce que c’est quand il y a deux matchs qu’on gagne plus d’argent. On ne peut plus avoir ce qu’on gagnait comme avant. On vient pour la forme ». Leurs collaborateurs sont repartis après constat du manque d’affluence.
L’impatience des supporters
Si les matchs nocturnes permettent de faire de bonnes recettes, le calendrier élaboré par la Ligue de football professionnel prévoit un seul match en soirée. Ce qui signifie moins de clients. Le nouveau calendrier prévoit également des matchs en milieux de semaine et en week-end. Un programme harassant pour les athlètes dont certains ont plusieurs mois d’arriéré de salaires et difficile à suivre pour les spectateurs.
A quelques mètres du parking de Isaac et Julien, se trouve le guichet. L’atmosphère est morose avec une forte chaleur. Derrière sa grille, alors que son poste radio résonne Aboubacar Sana un guichetier lance un regard désabusé vers les files d’attentes presque inexistantes.
La suspension du championnat a porté un coup à son activité. Et cette reprise ne semble pas promettre quelque chose de bon pour lui. « Avant, pour les tickets de 500 francs CFA, on peut finir cinq souches des tickets de 500. On vient de commencer, mais on se rend déjà compte que ça ne va pas », déplore-t-il.
Mais la passion du football est une flamme qui ne s’éteint pas si facilement. Abdel Aziz Ouédraogo est un fervent supporter de l’Etoile Filante de Ouagadougou (EFO). Son équipe ne joue pas ce mercredi mais il ne cache pas son impatience. « La suspension du championnat avait créé un vide. Désormais, on va se retrouver pour vivre notre passion », dit-il.
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Agent de santé, la programmation des matchs ne l’arrange pas car il doit travailler en semaine et vivre sa passion le week-end. « Les week-ends, on se retrouve ici pour se distraire, c’est notre passion. Mais comme les matchs sont placés en milieu de semaine, ce serait compliqué pour nous », regrette-t-il.
Mais plus l’heure de la rencontre approche, plus des fans arrivent toujours au compte-goutte. La moto à peine garée, Yves Koutiama, sociétaire de l’AS SONABEL se précipite pour se procurer un ticket. Il n’est pas là pour jouer mais pour soutenir ses coéquipiers.
L’AS SONABEL est classé 2e du championnat à trois points derrière le leader l’AS Douanes. Il se réjouit de la reprise du championnat malgré un nouveau calendrier serré : « La reprise est une bonne chose. Sinon, l’arrêt du championnat ne nous a pas fait du bien ». Il estime que les joueurs ont perdu en qualité.
16 heures. Le coup d’envoi retenti dans un stade clairsemé. Le match commence. Les jeunes filles qui se faufilent d’habitude entre les spectateurs qui pour proposer de l’eau, des boissons sucrées ou du thé sont absentes. Les causeries vont bon train entre des spectateurs qui se sont enfin retrouvés après l’arrêt de la compétition.
L’inquiétude des entraîneurs
Sur le terrain, le spectacle servi est en deçà des attentes du public. « Vous-mêmes, vous voyez que c’est du ping pong. Mais comme c’est notre football, on est obligé de soutenir », clame Abdoul Tapsoba, jeune pensionnaire de Noah FC, un centre de formation de football du quartier Tanghin.
Et lorsque le match se termine sur un partage des points (1-1), un sentiment mitigé habite les deux camps. Le jeu produit n’était pas à la hauteur des attentes. « C’est très difficile pour les équipes comme la mienne qui n’ont pas un banc de touche fort », avoue-t-il avec inquiétude. Son adversaire du jour Issaka Dicko, entraîneur de l’AS SONABEL, partage son propos. « Il est toujours facile de reprendre une compétition après deux mois de suspension. Mais, petit à petit, on retrouve le rythme normal », promet-il.
Le championnat national a été suspendu a deux repris en raison de grève de certains clubs de football en conflit avec la Fédération burkinabè de football (FBF). Mais, athlètes comme spectateurs espèrent que cette reprise promet des lendemains meilleurs pour le football burkinabè.
Boukari Ouédraogo