Montres moi tes scarifications, je te dirai à quel groupe ethnique tu appartiens. Si elles ont tendance à disparaitre depuis quelques années, certains jeunes portent encore ces marqueurs identitaires. Comment vivent le regard des autres ?
Sibiri Kiénou, 36 ans dit porter avec fierté ses balafres. Enseignant des lycées et collèges, cet originaire de Koudougou dans la région du Centre-Ouest ajoute ne pas être dut tout gêné d’afficher ces larges cicatrices qui lui couvrent tout le visage depuis sa tendre enfance.
Mieux, il rappelle que c’est lui-même qui a réclamé ces marques identitaires. « A l’âge de 5ans j’ai des frères aînés à qui on a fait les cicatrices et quand ils sont revenus à la maison, j’ai pleuré toute la nuit et la maman a cherché un jour on a programmé pour moi aussi. C’est à dire qu’à ce moment j’étais très content de porter les cicatrices comme mes frères », se souvient-il.
S’il en est fier, Sibiri n’oublie pas qu’à son adolescence, il a dû essayer les moqueries et autres commentaires négatifs, notamment de la part de ses camarades. « On a parfois été victimes de moqueries ; en tant qu’enfant, Il y’a eu des périodes où on n’était pas content de les avoir porté parce que tu te retrouves dans un milieu où tu es seul, les gens se moquent de toi », explique l’enseignant pour qui, en tant qu’enfant, cette période fut difficile, même s’il ne regrette pas aujourd’hui.
Si j’avais eu le choix…
Dans la cour de l’université Joseph Ki-Zerbao, nous retrouvons Edith Sawadogo. L’étudiante de 22 ans porte une balafre située au milieu de chacune de ses joues. C’est un guérisseur traditionnel qui lui a laissé ces traces. « J’étais bébé, quand j’ai grandi, j’ai demandé on m’a dit que j’étais malade donc ils ont fait ça », précise la jeune étudiante.
Si elle trouve ses balafres fines, elle n’en est pas pour autant fière de les porter. « Pour d’autre, les cicatrices sont grandes et ça défigure totalement le visage. Actuellement si on veut me faire ça ce n’est pas sûr que j’accepte. C’est parce que j’étais petite sinon je ne choisirai pas de le faire », poursuit Edith.
Une pratique en disparition
Inciser le visage ou scarifier la peau est souvent faite pour une distinction ethnique. Parfois cette pratique est faite comme une méthode de guérison. Dans certaines sociétés, les balafres sont même représentatives du rang social ou encore, une marque de beauté.
De nos jours, elles tendent par contre à disparaître. « Dans La jeune génération, on trouve que c’est bizarre de balafrer nos visages. On renie l’identité on renie la beauté ! De plus en plus avec la modernité ce sont des pratiques qui sont en train d’être jeté aux oubliettes et ça marque une perte de nos valeurs », commente le sociologue Dr Patrice Kouraogo. Il s’étonne que cette pratique soit laissée, pendant que les tatouages sont de plus en plus adoptés par certains jeunes.
Toujours est-il que la pratique de la scarification est aujourd’hui interdite par la loi au Burkina Faso pour des raisons d’hygiène et au nom du respect de l’intégrité physique.