C’est l’histoire d’un Burkinabè qui a travaillé 20 ans durant dans les plantations de Cacao en Côte d’Ivoire. Revenu dans son pays, il a cette folle idée d’essayer la culture de ce qui a fait la renommée et la richesse de son ancien pays d’accueil : Le cacao. Il fallait le faire. Larba Issa Sorgho, sur les terres de Bagrépôle dans la région du Centre-Est, son demi hectare est objet de toutes les curiosités. Ses pieds de cacao ont bien grandi, et mieux produisent. Le rêve du producteur s’est davantage agrandi à la suite de ce succès. Il veut étendre sa superficie.
De ses deux mains, il tient des cabosses de cacaos nouvellement cueillies. Ses yeux s’illuminent quand il les présente fièrement. Larba Issa Sorgho travaille dans sa plantation chaque jour, mais c’est toujours avec enthousiasme qu’il accueille des visiteurs curieux, venus voir cette plantation de cacao située dans la plaine aménagée de Bagrépôle.
En plus des cacaoyers, le périmètre est parsemé de bananiers, d’avocatiers, de colatiers, de palmiers… Pour se frayer un passage, il faut se baisser. Une forêt dense érigée des mains d’homme et qui crée un micro climat. « Ne vous inquiéter pas, il n’y a pas de serpents ici », rassure le maître des lieux. Plutôt que nous nous rassurer, cette précision nous rend plus précautionneux.
C’est sur une superficie de 0,5 hectare que Larba Issa Sorgho a tenté de faire pousser le cacao. Ancien travailleur dans les champs de cacao en Côte d’Ivoire, il a à cœur de dupliquer son expérience chez lui, convaincu que l’environnement était propice. « C’est le 20 juillet 2015 que j’ai commencé le repiquage, avec mes propres moyens. Franchement je me dis que même la Côte d’ivoire n’a pas autant d’eau que nous, en tout cas là où j’étais. Là-bas à partir de janvier, mars, il y a même des incendies dans les champs à cause du manque d’eau. Mais ici, en janvier, à tout moment de l’année, il y a l’eau », explique-t-il.
Objet de moqueries
Quand Larba Issa Sorgho commence à planter les pieds de cacaos, il fait face aux moqueries et autres propos discourtois de ceux qui n’y croyaient pas du tout. « Ces paroles me touchaient et je répondais que je n’étais pas pressé d’avoir l’argent. Mais que c’était un message aux jeunes qui partent à l’aventure et qui souffrent. Moi-même j’ai souffert et je veux qu’ils sachent que même sur la terre de ses ancêtres on peut s’en sortir », poursuit le producteur.
Aujourd’hui, c’est avec sourire qu’il se rappelle de ces moments. Ses plants de départ ont répondu à ses attentes. « Quand j’ai planté, ça mit trois ans pour donner des fruits. J’ai replanté avec les graines de ces fruits, et en une année, ils ont produit. Ils produisent très bien. J’ai différents types de cacaos français, ivoirien et ghanéen. Au Burkina tous ces cacaos donnent bien », poursuit-il, convainquant.
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En phase test, il a fait le choix de n’utiliser aucun produit chimique pour doper la production. « Seulement la bouse de vaches et les déchets de petits ruminants », rassure-t-il.
A plusieurs reprises, celui qui pourrait être appelé pionnier de la production de cacao à Bagré a récolté. De quelques cabosses pour vendre au curieux, il est en passe de franchir d’autres paliers. « J’ai une cliente qui a lancé sa commande pour la récolte de septembre octobre. Elle est à Ouagadougou et voudrait faire du chocolat. Le nombre de kilogramme qu’elle a demandé, je ne pourrai même pas l’honorer », poursuit notre interlocuteur.
Voir plus grand
Adama est le fils de Larba Issa. Aux côtés de son père, il apprend les techniques et astuces pour réussir cette prouesse de faire pousser le cacao au Burkina, lui également qui ne connaît pas la Cote d’Ivoire et n’a vu ce fruit qu’à la télé. Il faut approcher les personnes âgées pour avoir le savoir, dit-il avant d’ajouter que son vœu est de pousser le rêve de son père encore plus loin.
Mais pour rêver grand, il faut avoir plus d’espace. « Regarder tous ces espaces, si seulement je pouvais les avoir pour planter le cacao », nous déclare-t-il en montrant de la main un vaste espace en face de sa plantation, mais abandonné et sous le poids des herbes folles.
Loin de regretter son aventure pendant laquelle il dit avoir été exploité sous toutes les formes, traité comme un esclave, Larba Issa Sogho se réjouit d’être revenu avec le savoir. En plus du cacao, le producteur de 53 ans et père de 8 enfants a acquis des plants de café qu’il veut aussi essayer sur les terres du Burkina.
Tiga Cheick Sawadogo