Attaché au bout du pagne dans un petit sachet ou conservé dans un petit bocal, le tabac en poudre n’est jamais loin de certaines personnes âgées. Chiquer le tabac est presqu’un rituel devenu une dépendance héritée des années de jeunesse. Cependant les spécialistes de la santé alertent, même le tabac à chiquer peut provoquer des maladies comme le cancer.
Assise devant sa cour dans un quartier de la capitale, Aïcha passe souvent un doigt humidifié avec la salive dans la poudre de tabac qu’elle porte ensuite à la bouche. Souvent, c’est juste une petite boule de tabac qu’elle place dans un coin de la bouche. Du matin au réveil jusqu’au soir avant de se coucher, la dame de 50 ans répète plusieurs fois ces gestes. Pourtant pour elle, chiquer le tabac a été d’abord été une question de curiosité, plusieurs décennies en arrière.
En voyant ses grands-parents le faire tout temps, elle a été poussée par l’envie de savoir ce qui se cache derrière cette habitude. Sucré ? Amer ? Aigre ? Fade ? « Mes grands-parents m’envoyaient leur acheter du tabac. Au fil du temps, j’ai été prise par la curiosité de goûter. Et c’est là que tout est parti », se rappelle-t-elle, le regard lointain comme si elle revoyait le jour où elle a mis cette poudre dans sa bouche.
Dégoûtant et insupportable, ce sont les mots qu’elle dit avoir collés au tabac la première fois qu’elle a tenté l’expérience. Sans être consommatrice régulière, il lui est arrivé de répéter le geste. Puis la dépendance s’est progressivement installée. « J’en prenais beaucoup avec une vieille dans le quartier. C’est comme un remontant pour moi. Le matin quand je fais ma toilette, j’en prends, avant de manger aussi » dit-elle.
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Minata Kaboré a aussi remarqué que le tabac a un effet de calmant pour sa belle-mère. « Dès qu’elle s’énerve, elle rentre dans sa maison pour sucer son tabac jusqu’à ce que sa colère passe avant de ressortir. C’est comme une drogue. Sitôt que son stock finit, je vais en racheter pour elle. Tant pour sa consommation personnelle que pour son commerce », explique la jeune femme.
Consommatrice de tabac depuis plus d’une dizaine d’années, Aicha en est également vendeuse il y a 3 ans. Assise sur son banc, devant son domicile au quartier Kalgondin de Ouagadougou, elle explique que c’est surtout pour s’occuper qu’elle vend cette poudre. La sexagénaire, comme une spécialiste de son domaine, nous fait savoir qu’il y a deux types de tabac en fonction du prix.
« Si tu vois que c’est beaucoup et que c’est moins cher, cela veut dire que ce n’est pas le bon tabac. Sinon le vrai se vend à 50 FCFA » explique-t-elle avec conviction.
Le tabac, un rituel pour Rama à chaque repas
Contrairement à Aïcha qui considère le tabac comme un remontant, Rama le prend comme un remède à ses constantes nausées. Âgée de plus de 60 ans, elle a commencé à chiquer le tabac depuis sa jeunesse. « J’avais des nausées à chaque fois que je voulais manger et c’est là que je me mise dans le tabac. C’est devenu un rituel pour moi avant chaque repas peu importe l’heure » explique la sexagénaire.
Pour 50 F CFA de tabac, Rama en a pour 3 jours de consommation. Cette habitude n’est pas souvent du goût des proches de ces personnes âgées. « Quand elle prend, elle a des vertiges. Nous lui avons dit d’arrêter mais hélas, sans le tabac, elle n’arrive pas à manger. Ce sont juste des feuilles de tabac, séchées, pilées et malaxée avec de la potasse et du beurre de karité, mais c’est très fort » s’inquiète Samira, la fille de la Rama.
Des risques à ne pas négliger
Selon Honoré, médecin, le tabac à chiquer entraîne une plus grande dépendance que la cigarette. A en croire le médecin, il est beaucoup plus facile de cesser de fumer que de cesser de chiquer le tabac. Cette substance a des effets nocifs sur l’organisme des consommateurs. Il cause entre autres une dépendance à la nicotine, à une réduction du sens du goût et de l’odorat, une mauvaise haleine…
Rama confirme ces informations de Honoré sur l’effet d’étourdissement que le tabac l’inflige à chaque prise. « Dès que je le consomme, j’ai des vertiges et cela dure pendant 3 minutes. Après cela, je me sens bien. Je ne peux pas arrêter de chiquer le tabac, cela m’évite de vomir à chaque fois que je veux manger », dit-elle.
Selon plusieurs spécialistes de la santé, le tabac à chiquer peut provoquer différents types de cancers comme ceux de la bouche, de la langue, des gencives, de l’estomac, de l’œsophage (gorge) et de la vessie.
Studio Yafa avec MoussoNews